Morceaux choisis
Testenneu Choéjet

Dasson ur Galon (les résonances d'un coeur)


couverture de « Dasson ur galon »

Disons, sans plus attendre, que le volume plaît. Il plaît par l'habit seyant que lui a donné le talent de Patrig Guérin; il plaît encore par le choix des caractères, l'impression soignée et la disposition remarquable des textes. Visiblement l'abbé Mériadeg Herrieu, qui s'est fait l'éditeur de son père , a mis toute sa piété filiale à nous fournir un livre digne d'une mémoire vénérée.

Si nous en venons au contenu, rien ne peut le résumer mieux que le titre que lui a donné Loeiz Herrieu lui-même: « Dasson ur Galon » - «Les Résonances d'un Cœur ». Nous voici donc à l'écoute d'un cœur qui vibre, qui aura vibré plutôt, à tout ce qui était ou qui aura fait la vie du poète. Et ici, il ne s'agit pas d'un poète de salon perdu dans l'extase de sa tour d'ivoire, mais d'un poète en contact direct et quotidien avec toutes les difficultés de la vie. C'est l'écho du « Barh-Labourer » - du « Poète-Paysan » (tel était le pseudonyme de L. Herrieu) dans toute l'acception des deux termes. Bien des beautés de « Dasson » ont vu le jour non dans la douce tiédeur d'un bureau d'écrivain, mais derrière l'attelage, au bout du sillon fraîchement creusé, entre deux gerbes à ramasser ou deux chargements de litière à rentrer; en quelque lieu qu'il se trouvât, L. Herrieu avait l'habitude, en effet, de noter sur un carnet qui ne le quittait jamais, l'idée, l'image, ou la tournure' vivante qui lui surgissait à l'esprit.

« Dasson ur Galon » a eu, au moins dans sa forme actuelle, une origine assez particulière. On y trouve des poésies composées entre 1905 et 1945, soit un intervalle de quarante ans. Quelques-unes (assez rares) ont paru dans « Dihunamb » , la plupart étant demeurées manuscrites; et L. Herrieu, jusqu' en 1939, n'eut jamais l'intention de les publier, « ce sont là, disait-il, choses trop personnelles ». Il n'aimait pas en effet faire part à autrui de ses sentiments intimes. Ce n'est qu'à cette date, et sous la pression de quelques amis, qu'il se décide à les collecter, à les revoir au besoin, pour les éditer en un livre, et aussi à chercher pour ces morceaux parfois disparates, un lien solide qui en fera une belle gerbe.

Il le trouvera, ce lien, dans l'image de l'arbre en fleur, puis portant fruit, enfin s'effeuillant à l'automne: symbole des trois périodes de la vie. D'où les trois parties de son livre, préfacées chacune d'elles par un poème composé tout exprès et qui leur sert d'introduction:

  1. – « De gourz er bleu »- « Au temps des fleurs ». L'écrivain y chante la jeunesse, sa joie de vivre (Er Leùiné boud béù), l'espoir d'une œuvre féconde, l'amour aussi dans des chansons ou des complaintes recueillies mais rajeunies dans la forme.

  2. – « De gourz er freh » - « Au temps des Fruits »: poésies d'âge mûr, où il nous fait part des combats entrepris pour la sauvegarde de la langue et du patrimoine de la Bretagne. Nous y trouvons encore «Eured Lenndrein D : longue description en vers d'une noce bretonne d'autrefois où L. Herrieu, par une foule de détails, se révèle observateur fin et perspicace.

  3. – « De goueh en dél » - « A la chute des Feuilles ». C'est sans doute, dans l'ensemble, la partie la plus belle du livre. Nous sommes ici en contact direct, dans des morceaux qui sont souvent d'une magnifique élévation, avec les résonances d'une âme blessée parles déceptions, les incompréhensions de toutes sortes,. Ne sachant plus à qui se confier, le barde se tourne désormais vers Dieu, et aspire au repos définitif en souhaitant de mourir par une belle soirée de Mai:

« De gourz kaer er bokedeu,
Ardro er goubanùel

Pe vé er banal é bleu,
É karehen merùel...»


« C'est au beau temps des fleurs,
A la tombée du jour,

Quand fleurissent les genêts,
Que j'aimerais mourir...»

Suprême désir qui fut, on le sait, réalisé par la Providence.

D'un point de vue plus strictement littéraire, que faut-il penser de « Dasson ur Galon » ? L. Herrieu a toujours été considéré comme un maître de la langue bretonne, et, a priori, tout nous indique que nous devons avoir affaire à une œuvre de choix. Il ~aut sc: souvenir d'abord que l'auteur est un autodidacte; il n'a donc pas eu, à l'encontre de presque tous les écrivains bretons, à se défaire d'une formation classique, et française, pour retrouver l'authentique veine bre­tonne: il n'avait qu'à se laisser guider par son instinct breton. En outre, il a toujours vécu en milieu bretonnant; il n'aura lui-même que le breton pour langue dans sa propre famille et dans ses relations. Encore qu'il maniât par­faitement le français, la langue bretonne est toujours restée le véhicule principal et presque unique de sa pensée. Comme dans ses autres ouvrages, nous trouve­rons donc ici une langue sûre, beaucoup plus sûre, par exemple, que celle de Y.-P. Kalloh qui n'eut pas le temps de mûrir son génie, une langue riche, dont tous les termes lui sont familiers; une langue savoureuse et pittoresque comme l'ont tous ces paysans et paysannes qui revêtent leur pensée des expressions les plus jolies et les plus inattendues parfois: en un mot une langue populaire. Pas de « brehoneg chimik» ou de « brehoneg kadoér » dont il avait horreur, et s'il lui arrive parfois d'employer des néologismes ce n'est que discrètement et toujours à bon escient, car les mots simples et issus du peuple ne lui manquent pas pour exprimer les idées les plus hautes. Oui, langue populaire bien sûr, mais langue soignée cependant, bien lissée, peignée, décantée enfin de ses impuretés. Presque sans effort apparent, il a réussi à faire le pont entre le breton vivant et le breton dit « littéraire » idéal enviable à tous égards, pour tout écrivain digne de ce nom.

Le lecteur attentif de « Dasson ur Galon » celui du moins qui ne se contentera pas de la traduction française placée vis-à-vis du texte breton - ne sera pas sans découvrir très vite une autre qualité éminente de L. Herrieu : son sens quasi instinctif du rythme, de la musicalité des mots et des phrases. La perfection de la forme, les effets de sonorité l'enchanteront plus d'une fois dans nombre de poésies qui forment la trame du livre. Et ceci sera surtout sensible pour ceux qui connaissent les intonations et les harmonies si particulières du Vannetais qui, du fait de son accent tonique spécial, donne toute leur valeur aux rimes tant internes que finales. En voici trois exemples:

  1. - Le poète, dans sa pleine jeunesse, attend l'amour .
  2. Klasket em-es timad ul leh ér [oaskedenn...]
    De hortoz de ziglos ur vleuenn e hoantenn . (p. 6)

    J'ai cherché prestement un refuge [ombragé...]
    Pour attendre qu'éclose la fleurette désirée .
  3. - Observons le soleil perçant l'opacité d'ouate de la brume .
  4. T érenneu en héol
    É tibouk dré roug mantell moug er brum. (p. 78)

    Les rayons du soleil
    Qui s'échappent par l'échancrure du sombre manteau de la brume
  5. - Qui aura "rendu" d'une manière aussi poétique la chute des feuilles du cerisier sur le gazon que ces vers:
  6. Délenn ha délenn, bleu er gignézenn
    Heb déhan ar van er hrienn e ziskenn
    Diroll èl ré foll, didrouz é koroll.

    Pétale après pétale, les fleurs du cerisier
    Sur la mousse de la crière descendent sans arrêt,
    Pêle-mêle, comme des fous dansant en silence.

Cette harmonie des mots, cette richesse d'expression ne peuvent tromper:
Herrieu fut un poète de talent, et «Dasson ur Galon" marquera dans notre littérature nationale. Depuis sa parution, de nombreux témoignages sont déjà venus corroborer que sa lecture ne déçoit personne. «lennet em-es éan heb poén erbed, rédeg e hra èl deur mammenn ", écrit l'un; un moine ajoute: «lonket em-es éan èl ur wérennad chistr fresk ". De son côté, M. le chanoine Falc'hlln l'a inscrit au programme d'un nouveau certificat de Grammaire et Philologie celtique. «Ceux qui possèdent vraiment le génie de la langue, ceux qui connaissent la sensibilité du cœur breton, enfin les artistes qui goûtent les vers bien frappés, ciselés, harmonieux, y trouveront toujours le plus vif plaisir. "

Pour clore cet expose, Je signalerai quelques avantages pratiques du livre.
Grâce à la traduction qui accompagne toujours le texte, même ceux qui ne connaissent qu'imparfaitement la langue bretonne, pourront en retirer un large profit; beaucoup de bretonnants même y apprendront peut-être - et c'est à espérer - à lire leur propre langue ou à s'y familiariser davantage avec elle. les non-vannetais n'ont pas non plus à craindre de se le procurer: l'effort de rapprochement orthographique avec le K.L.T. a été si réel que la plupart de ceux qui l'ont lu jusqu'à présent n'y ont trouvé aucune difficulté pour le goûter pleinement.

Me sera-t-il maintenant permis d'exprimer un souhait? Celui de voir encore, au Pays de Vannes et ailleurs aussi en Breiz, se lever d'autres Loeiz Herrieu, et de la même trempe que lui, qui continueront, dans son sillage, à œuvrer pour la restauration déjà si bien commencée de la Patrie bretonne.

C. LE BRAZIDEC.


De gourz er bleu

De gourz er bleu
Segred me halon (sonenn)
Na disul de hantér-noz,
Pe oè en oll é repoz;

Pe oè en oll é kousked,
Ha ne gleùen grig erbed;

'M es saùet a men gwélé,
Eid mond d'obér ur balé.

Eid moned, a bazeu skañù,
Trema ti 'n hani e garan.

Gwélet em oè, 'tal hé dor,
Ur boked kaer é tigor.

Ha hoant zo deit dein kaoud
Diarnehon un advoud.

Ur barr bihan de blantein
Doh me zi, é me jardrin.

Mar er gwélan é kreskad,
Me ouio éh on d'hé grad.

Mar er gwélan é vleuein,
Nag ur paotr euruz e vein !

Pe dreméno 'tal me zi
Mem boked gomzo dohti:

Ean laro, heb komz erbed,
Er péh ne gredan lared:

Er péh 'm es mil boén getoñ :
Kaerran segred me halon !

Perag plégein ho penn?
O plah ! perag plégein ho penn
Édan bourdeu amoed er bed?
Ar en douar-ma, krouèdur erbed
Nen dé ken kaer én é anienn.

Seul gwéh m'en des klasket mab-dén
Obér un doué ag er Géned.
Ged ho horv en des ean gwisket.
Ho korv, pennobér en Eden.

A pe venn er Hrouéour, un dé.
Diavêzein É vraùité.
N'ho kroa ket a fang, èl Adam;

Goudé d'É zaouorn boud golhet.
Oll-vraù Ean ho très, 'n ur lared:
« Anehi 'vo é hreem Or Mamm. »

Au temps des fleurs

au temps des fleurs
le secret de mon cœur (chanson)
Dimanche sur la minuit,
Quand tout le monde sommeillait,

Quand chacun était endormi
Et que je ne percevais nul bruit,

Je sortis de mon lit
Pour aller faire une promenade,

Pour aller, d'un pas léger,
Vers la demeure de mon aimée.

J'ai aperçu près de sa porte
Une jolie fleur prête à éclore.

Le désir me prit de ravir
A cette plante une bouture ...

Une branchette, pour la planter,
Près de chez moi, en mon jardin ...

Si je vois qu'elle prend racine,
J'en conclurai que je suis à son gré.

Et si un jour elle vient à fleurir,
Combien grand sera mon bonheur !

Quand elle passera près de la maison,
Ma fleur lui parlera pour moi ;

Elle lui dira sans nulle parole
Ce que je n'ose dévoiler;

Ce qui me tracasse de mille façons :
Le plus beau secret de mon cœur.

Pourquoi courber la tête?
Ô Femme! pourquoi courber la tête
Sous les sottes railleries du monde ?
Sur cette terre, aucune·créature
N'est aussi belle dans sa nature.

Chaque fois que l'homme s'est essayé
A faire un dieu de la Beauté,
C'est de votre corps qu'il l'a vêtu,
Votre corps, chef-d'œuvre de l'Eden.

Quand l'Eternel voulut, un jour,
Traduire Sa beauté,
Il ne vous fit pas de boue comme Adam;

Après s'être lavé les mains,
Il vous modela toute belle, en disant :
« C'est d'elle que nous ferons Notre Mère. »

De gourz er freh

De gourz er freh
Ém ampertiz
Setu staget er fréh goudé kouéh er vleuenn
Divleuet 'pes eùé, amzér me yaouankiz,
Ha brema, a ziar treuzeu me ampertiz,
Me wél, ged en aùél, ho tél gwenn é chanj penn.

Ivoul, hoanteu, randon, eilpennein hret blaoah!
Strebaotet e hues stank daousto d'ho tiùaskell;
Frondeu, liùeu, tonieu, nen doh ket mui ken kel,
Ha prederi za dein de wéled benn arhoah.

Ar ho lerh, chom e hra fréh hweg édan kreskad:
Med nag a ré goudask! Nag a varreu difréh!
É selled er ré-ma d'em énéañù é ta méh,
Hag é hoantan kanal evid o ankouéhâd.

Hoantâd e hran kanal evid ankouéhâd déh
Ha kaerrâd hent arhoah ...
Ho puhé, mem bro vad,
E aséein liùein, é sell ag er bléad :
Rag goudé kouéh er bleu, setu staget er fréh !

Au temps des fruits

Au temps des fruits
A l'âge mûr
Voici noués les fruits, après la chute des pétales :
O temps de ma jeunesse, tu as aussi perdu tes fleurs,
Et maintenant, du seuil de l'âge mûr,
Je vois tes blanches corolles emportées par le vent.

Ardeur, désirs, orgueil, vous tourbillonnez étonnamment!
Et souvent, malgré vos ailes, vous avez trébuché;
Parfums, couleurs, refrains, vous n'êtes plus si vifs,
Et j'appréhende de voir demain.

A votre place, restent d'agréables fruits en espérance;
Mais, que de fruits amers! que de branches infertiles
Dont le spectacle remplit mon âme de honte!
Et l'envie me prend de chanter pour les oublier.

Je voudrais chanter, pour oublier Hier
Et fleurir la route de Demain ...
Et c'est ta vie, mon bon pays,
Que j'essaierai de peindre, en attendant la récolte,
Car après la chute des pétales, voici noués les fruits.

De goueh en dél

De goueh en dél

Ar en hent, ré ledan hag e gas d'er vèred,
Ataù éh on, me zad, ar ho lerh é kerhed.
E heuenn en traou marù em es klasket erhad,
Eùéhuz d'ho heuli, er merk ag ho trechad.
Klasket em es gouied, ged minotenneu mud,
E pé ré anehè en des me rummad tud Gwéharall treménet.

À la chute des feuilles

à la chute des feuilles

Sur le chemin trop large qui mène au cimetière,
Je continue, mon père, à suivre vos traces.
Dans la cendre des choses mortes, j'ai cherché avec soin
-Soucieux de vous être fidèle- l'empreinte de vos pas.
J'ai interrogé les sentiers muets
Pour connaître ceux où mes ancêtres ont autrefois        cheminé.

De hortoz kreisnoz (en attendant minuit)

Intron burhudus Treùison


A pe iér a Gampénéag, ér vro Galleu, trema er gevred-ihuél, é tegoéhér, ar dro tri hart lèu ag er vorh, én ur flagen distro, lédet doh treid tostenneu ihuél, meinek ha tret.
Ér flagen-sé, kuhet get gué ihuél hag en des sonj a uerso, é kavér ur hastel ha ne uélér ket kalz par dehon ar zoar hor bro : kastel Treùison, pé Trécesson, èl ma hrér anehon é galleg.
É ma éno, rok ha plom, deur én dro dehon, é dourellenneu ihuél, hireit get ou skeud, é deur el lén, é fetekat émesk dél sklat ha bokedeu guen er skudel-deur.
Get mein bénet ag er vro, ur meni tufèu ru, é ma saùet. Mar da deoh tremén éno a pe sko en héol arnehon, é souéhet d'é liù ar ru, brikemardet get man-magoér argantet hag e ra de zeur el lén liù goèd koh, briheit a dachadeu. Guéh é ma tokennet er magoérieu get deliaù-red tioél ha luhus.
Ér vagoérieu ihuél, fenestri bihan pé tarhelleu strih, havaI doh lagadeu ur jigant, e zivarh ou selleu du ar végeu er gué glas a dro ha tro.
D'en VIII et Kantved, éh oè dija aman ur hastel, léz tierned Ploermel, Aogan ha Kampénéag.
Ar é léh, é ma bet saùet, d'er XIV et Kantved, er hastel e uélér bepred én é saù.
Aveit tostat dehon, éh oè ret, guéharal, tremen diar ur pont-guintér e zevalè étré en diù dourellen dâl, ar un darn chaochér. Brema éh a er chaochér bet en nor, kuit a bont.
Ur pondalé guérennet e lakè darempred étré en diù dourellen ha didanon, adreist en nor é huélèd ur skoued, kizellet ér vein, get ardamézeu tudchentil Treùison hag ou gir nerhek : « Kentoh torrein eget plégein ».
A pe oè hoah é kastel Treùison é zudchentil hag ou hoskor, ne vehè ket bet kavet merhat, ér hornad bro, nameit kastel Joselin tré dehon de lakat doujans é kalon en tremenér, randonus ha meurdedus èl ma oè.
Jili, markiz Treùison, er pieuè ér blé 1717. Chom e hrè abarh get é bried Anna en Nein, hag ou ziegeh. Jili e oè pen ligné ré Treùison. Ofisour é arméieu roué Frans, donet e hrè de viùein d'é gastel a pe vezè dizevar.
Tri blé ha hantér kant en doè Jili a pe zegoéhas er péh e iér de gomz anehon. Ampart e oè hoah ha dibi. É blijadur e vezè jiboésat er herùi, stank d'er hourz-sé, ér hornad-bro ha, dreistol, é koèdeu Treùison.
Estroh eget dehon é plijè er hig karù. Jiboèserion er vro, labourizion ha koèdizion e gavè en tu, ur uéh benak en amzér, de zonet d'obér ou zro, a guh, de goèdeu er hastel. De noz é vourent er guellan tostat, suroh ma vezent a obér ou zaol hep bout guélet.
Tostat e hrè d'en Nédeleg. Eùeheit en doè tud er hastel penaos é kargè muioh er vigrierion d'er jibér d'en termen-sé ag er blé. Chetu perak éh oè bet karget Franséz, er goard, d'obér troiadeu d'en noz aveit spontein er skraperion.
Deu zé kent en Nédeleg, er blé ma komzan anehon, é tiskaras ar er vro, un tarhad arnan spontus, èl ma huélér meur a uéh é Breih d'er sasun-sé. « Un noz ag en dibab aveit er jiboèserion », e sonjè Franséz. Hag ean, pe oè krapet en oll d'ou hambreu, de vonet, groñnet mat én ur vantel ballin, ha deu bistoled geton, d'en em-guhet én ur goban bonal en doè saùet, er mizieu kent, é kreiz ur bod loré, ar viùen er hoed.
Loér gann-gaer e oè, splann dehon guélet er jiboèserion ar valé. Huéhein e hrè er gorventen a gohadeu kounaret. Bareu er gué, e darhè hag e chourikè unan d'oh en aral, ha, hudal e hrè begeu er hoed kroéz get en aùél é tremen.
A daoleu é treuzè herrus, diar drem disliù el loér, tammeu koumoul du é tih, par ma hellent, trema er saù-héol, èl a pe vehè bet ol diaoled en ihuern doh ou chaboutat. Nezé é koéhè, kemmesk, tapenneu glaù bras ha grañniad grezill e darhè ar er bareu.
Nen dé ket bourapl bout é valé. Ha neoah, un hantér-eur benak goudé men dé bodet, é ma haval get Franséz bout kleuet èl trouz treid ronsed é tonet duhont ar rabin er hastel.
Più en diaol e zehè, d'er pred-man ha get ronsed, hep bout kaset gourhemen d'en Eutru?
Get en aùél é hudal, ne hel ket Franséz heuli en trouz é tostat ; chetu perak é ma souéhet mat, un herradig arlerh, é huélet é tibouk adal dehon ur harros, deu jao dohton, é vonet d'er pear-zroed. Troein e hrant grons ar er hlazen hag éh ant d'arrest, deu gant paz benak azohton, just étal ur ioh dél séh rastellet éno dehon er sasun treménet.
Dihelhet é er ronsed, ha seùel e hra diarnehè ur vogeden groeit a huiz hag a hlaù. Béh men dint arrestet, ma saill d'en dias, a ziar brich er paotr-kar, deu eutru guisket mat, mantelleu getè ha kuhet lein ou fas get tammeu danùé du. Tostat e hrant d'er harros hag é tigorant en nor de zeu eutru aral haval dohtè, hag e dén ér méz ag er har, diù bal ha deu strep. Goudé é huél é tonet geté eùé ur voéz iouank, guisket ol è guen, èl a pe zehè a euredein, ur vantel velouz ponnér taolet ar hé diskoè.
Franséz ne oui petra sonjal.
A pe zizol el loér, é hel guélet splannoh en dud.
Ur goanten e zisko bout er voéz iouank. Laret e vehè é ma liammet hé deuorn ardran hé hein, rak ne uélér anat erbet anehè.
Hep komz, er pear goaz e grog ér benùegér hag en em laka de grouizein un toul, doh kosté er ioh dél. Diskoein e hrant é vehè her arnehè, rak labourat e hrant a zevri. A p'ou des béhet épad ur hardeur benak, éh arrestant. Unan anehè - er mestr merhat - e dosta d'er voéz iouank. Rok ha tamalus, é komz dohti. Met rè bèl int ha rè griù hudereh er gué aveit ma hello Franséz kleuet ol er péh e larant. Neoah, a pe za d'en aùél-dro huéhein d'é du, é kleu darneu deviz. Galleg ha brehoneg e zo getè. Gañnet é Sant-Goneri, Franséz e oui mat er brehoneg, halg elsé é ta de gompren er homzeu e za betagzon.
Kleuet e hra ataù en eutro é laret, e galleg : « Pe sord ardeu ! Perak ne vennet ket komz galleg ? »
Hag un tammig goudé: « Perak ne hues ket vennet monet de gousket get er «Régent» ? »
Er uéh-man é kleu boéh dous er voéz iouank é respont é brehoneg : « En dén-sé n'en des guir erbet arnonn-mé. Nen don ket diméet dehon, merhat ! »
« Hui hé hleu, tudchentil ? » emé er homzour é troein trema é gansorted.
Derhel e hrant elsé, hep ne gleu Franséz komz erbet kén, nameit er voéz iouank é laret get nerh : «Kentoh merùel eget bout kousiet, zoken d'ur roué ! »
Hag en dén de respont é galleg bepred : « Hama, èl ma kareet ! Gout e hret petra en des laret er « Régent ». Nag ur pen ahurtet a blah ! Gir ardaméz Treùison e jaojehè dohoh, biskoah guel ! »
Un nebedig amzér hoah hag é huél Franséz er pear dén é fardein, en un taol, ar er voéz iouank ha doh hè diskar én toul ou des krouizet.
Deusto dehi diskrap ha garm, embér é ma goleit get dél ha doar.
Hirisein e hra Franséz ha béh en des é parrat a huchal. Met petra hrei ean doh pear dén hag e zo péchans armaj getè?
Sonj é zeu bistoled ean e zegas hardihted dehon neoah. Ne hel ket lezel er vultrerion-sé d'interrein é biù er voéz iouank. Nen dé ket treu d'obér. Hag ean de huchal a bouéz é ben : « Harz en torfeterion !» ha de dennein ar un dro un tén pistoled.
É kleuet er voéh-sé tost dehè hag en tén é tarhal, er pear torfetour e daol ou benùegér ar en doar, e saill én ou harros, hag araok ! En hani e gondui ne zéhan ket a labourat kostéieu en deu jao a daoleu foet aveit ou lakat de redek.
Krénein e hra Franséz, en despet dehon, é sonjal ér péh en des guélet, ha forh és é kredehè é ma hunvréet en en des, a pe ne uélehè ket, adal dehon, er bé hantér lannet hag e zalh, didan é zoar, korv er gaeh voéz iouank. Ne chom ket de lorein pelloh. Redek e hra de dal en toul, ha goudé bout diùisket é vantel hag hé zaolet ar er bern dél, é krog én ur bal hag en em laka de skarhein en toul, par ma hel.
Met difonnoh é skarhein eget ne oè lañnein. Ha n'en des nameiton é unan. Émbér é red en huiz get é dal ; obér e hra un ten hanal ber, eit skopet é kalon é zeuorn hag e riskl ar droed er benùeg, hag ean de uintein doar er méz arré.
Dré forh palata, é kav elkent ag en dél taolet ketan ar er horv. Goarekat e hra, get eun a obér droug dehon. P'en des skarhet er pen léh m'é ma koéhet diskoé er voéz iouank, en em-laka ar benneu é zeulin aveit pellat, get é zeu zorn, en dél e guh er fas. Donet e hra geton, embér, korneu er gouél, ha, kentih arlerh, é tizol pen er voéz gaeh. Aben é krog d'héh aters : « lntron, biù oh ? Esmei erbet ; respont erbet.
Doh splanndér el loér é tisko er voéz bout kann ha divuhé.
« Guel é dein monet de glask sekour », e lar Franséz dohton é unan. Hag ean a réd d'er hastel.
Embér é ma dihunet en Eutru Jili, dihunet tri servitour. Ar un dro, hag a her, éh ant trema er bé, ur hravah getè.
Ê ma ataù en Intron astennet, divuhé. Achiù e hrant skarhein en doar hag en dél ; dousik hé saùant hag hé lakant ar er hravah, goudé bout trohet er stagelleu e zalh hé deuorn ardran hé hein.
Hag ind d'er hastel get ou fardel.
Guélet e hrant, ag er park, gouleu é tremen adal d'er fenestri : dihunet é en Intron ha tud er hastel. Ol é mant treboulet mat d'en doéré, n'anaùant nameit darn anehon.
Didan en nor dâl, é lammér er horv a ziar er hravah, ha deu veùel nerhus er hemér, unan dré en diùhar, en aral didan en diù gazaI, aveit krapein en dergei e gas d'en estaj ketan, Iéh men dé er hambreu.
É ma er merhed, en intron Anna getè, é kampen ur guélé. Lemel e hrér hé mantel velous guér diar hé diskoé, hag hé gouél, hag er gurunen kaer ha ponnér e zo ar hé fen. Hag ind aben ar hé zro d'asé degas buhé dehi.
Pèl é chomant ar dro er gaeh voéz hep guélet anat erbet a vuhé. En alézonour e gemér er fin ur miloér dorn de Iakat étal hé geneu, de uélet ha dihanalein e hra. Doué revo meulet ! Nen dé ket marù ... Ur vrumennig skanù e za de dreboulein sklerdér er miloér, adal d'hé fri. Kenderhel é hrant enta, un herrad hoah, bet ken ne gleuant un huanaden don é tonet a ziabarh er voéz iouank.
Biù é. Er merhed e ia de glask deur tuem de lakat get hé zreid hag hé horv.
Souéhet é en ol d'en dillad kaer e zo en dro dehi : nen dé nameit er sei, en eur, er mein présius. Sur é ma a rank ihuél. Na peh kevrin e guh hé divéz klos ?
Arlerh bout groeit èrhat dohti, épad un euriad benak, é tigor elkent hé dèulagad. Deit zo liù dehi, get er vuhé hàg en tuemdér. Hag é chom er séllerion bamet d'hé hoantiz.
Kampennet e zo un tasad chistr tuem sukret get mél, hag en intron Anna er hennig dehi a loéadeu, rak nen dé ket aveit séùel hé bréh, hag e uélér hoah arnehi trechad ru er stagel. Get sekour ur vatéh é saùér hé fen, un tammig, hag en intron Anna e ra dehi de ivét a Ionkadigeu.
A pen dé skarhet en tas ha pozet endro hé fen ar er goubenér, é kleuér er hetan gir é tonet ér méz ag hé geneu, dousik : « Trugaré ! »
" Petra lar hi, emé en eutru Jili ?
- « Merci » emé en alézonour hag e zo brehongour ean eùé.
Goudé, é tro un tammig hé fen, trema en toul-plouz, èl aveit kousket.
Hañni ne gred mui laret gir. Ne gleuér nameit en aùel éh iudal ér cheminal, grezil é tarhal doh guér er fenestri hag er voéz iouank é tihostal dousik-dousik, èl ur hroèdur bihan.
Kent pèl, é huélet é ma koéhet er housked arnehi, en em-dennant ag er gambr, ar végeu ou zreid, ha ne chom geti nameit ur vatéh. Doh er mitin, pen dé guir é talh de gousket, er plah-sé e lah er gouleu d'hé zro, aveit monet d'obér un hun.
Fal gousket en doè en ol é sonjal ér voéz iouank ha hiraeh dehè d'en dé de zonet, aveit gouiet più oè hi ha petra oè degoéh geti.
Ohpen ur uéh éh a, a bazeu skanù, en intron Anna, pen dé saùet, de lakat hé skoarn doh dor en Intron iouank aveit gout ha fichal e hra. Met trouz erbet ne za ag er gambr.
Ardro unek eur neoah, néhanset ar hé divout, oeit en Intron Anna ha skoein ar en nor, goustadik.
Respont erbet . Tri zaol kriùoh ; respont erbet ataù. Nezé é krap d'hé halon ur gohad ké bout bet hé lézet héh unan. Marsé é ma marù épad en noz ?
Doujein e hra a vonet ér gambr héh unan hag éh a de glask ur vateh de zonet geti.
Nezé é tigor en nor. Goulé é er guélé ! Goulé er gambr !
Émen é vehè hi oeit ? En Intron Anna e red de gas en doéré d'hé zud hag ol en em-Iakant de fetekal dré en ti, é kement kognel. Ne gavér trechad anehi é nep léh.
Neoah, penaos hé dehè hi groeit aveit kuitat er hastel, get er pont-guintér saùet, ha ken ihuél èl m'é ma fenestr hé hambr. Ha, d'en dias, el lén é hroñnein er hastel ? Nen dé ket sur dré-zé en hé dehè tihet. Ha nezé, cherret é klos er fenestr ...
Monet e hrant arré d'hé hambr de sellet didan er guéIé, én armenérieu, ér cheminaI. Nep tu trechad erbet anehi. Hé gouél hepkén hé des lézet a skour doh brank un hantoIér-bréhek, staget doh koèdaj. er cheminal.
A hendaral, ne chom ér gambr nameit ur frond huek, èI frond er guenihtu hag er brug a pe vent é bleu...


 
Etre Kig ha krohen ( ?)

Souéhet, treboulet ha néhanset mat e oè bet tud Treùison d'er péh e zegoéhas, en noz-sé, én ou hastel.
Eleih a dud, ar ou lerh, e zo bet treboulet é kleuet er ré goh, a vidad de vidad, é komz ag en doéré.
Me zo bet unan anehè.
Mechal più oè er voéz iouank-sé ?
Più en dudchentil en doè héh interret é biù ?
Peh torfet hé doè hi groeit ?
Penaos hé doè hi kuiteit kastel Treùison ?....
Ol en aterseu-sé, ha réral hoah, e hrè peb unan, e chomè hep respont erbet.
Groeit em es ind eùé, én ur hoantat kavet en tu, un dé benak, de vonet ahoel de uélet er hastel.
Kavet em boè ean, un dé.
Degoéhet dirak en nor dal hag en des lakeit kement a speredeu de sonjal, me chomas mé hunvréour eùé ; hunvréour ha mut, de sellet doh en diù dourellen ront, diazéet ar bilérieu kornek, hag e zorrè arnonn selleu du ou huéh lagad tioél ha divalùen, èl avel tamal dein me hoant de ouiet er péh e zeliè marsé chomel kuhet.
Monet e hrezan neoah én diabarh.
Ha mé ha goulen, get er goard, me ambroug dré er hastel, goulé kaer a dud, d'er hourz-sé, ha didan koéh é revin, é meur a dachad.
Monet e hran ar é lerh, dré en dergei en doè heuliet er voéz iouank-hont, étré divréh meùelion Treùison. Digor e hra dein dor er gambr léh mah oè bet lakeit.
"Tra souéhus, emé er goard, én ur ziskoein dein en hantoIér-bréhek doh er cheminaI, de gours er boke­deu, liés é ta, pe vè digor er fenestr, taoleu-guénén de varein doh en hantolér-sé, e larér en doè douget gouel en Intron. Met ne hellér ket ou derhel Achap e hrant, goudé bout diskuihet, aveit monet d'er hoèdeu de viùein én ou frankiz. Breman, tud e zo e lar é huélant d'en noz, un intron guisket é guen, é kantré én dro d'er hastel. N'em es ket mé hé guéIet guéh erbet neoah. Met a pe dostér dehi, é tianat, en un taol, e larér, èl un diren a splanndér el Ioér pe za d'un tam kogus tremen diar hé fas."
Ahalesé, éh amb d'er chapél, nezé dilézet ha mouist. É ma neoah pep tra en é léh ha guélet e hran en tachad Iéh ma oè skouret gouel en Intron, hag e zè merhed iouank en dro de voket dehon, kent euredein, aveid kaout eurusted.
Kollet é bet er gouel, épad en Dispah. Ne chom mui énta ag en Intron burhudus, ér hastel, nameit er houn kevrinus anehi.
Hag éh an, arlerh me ambrougour, betag er sulérieu, léh ma choman bamet de goédaj nerhus hag ingochet ag er braùan, en doen ponnér e holo er hastel. Guélet e hran er brocheu koed e zalh er meinglaz bras en ou léh, hag e za er bégeu anehè, hir èl er biz, é diabarh er sulér. Laret vehè é ma tokennet en tostad get senéseu nivérus ha flemmus.
En un taol, é tegoéhamb get sulér un dourellen. En ur gognel é huélan ur bern lévreu koh, goleit a uiad kanived ha hantér dèbret d'en anstu.
El lévreu koh me filim bepred. N'hellan ket parrat ag arrest étaltè hag a ou zastornat. Bout em es aveitè en doujans en dè en dén aveit relegeu, met relegeu hag en dehè goarnet ou inéan.
Kemér e hran unan anehè de sellet dohton.
« Koh treu, emé er goard, ha ne hrant 'meit steurmein er sulér. Un dé benak ou diskennein aveit ou loskein.
- " Ou loskein! emé-mé dehon. Abalamor dé Zoué ne hret ket en dra-sé hep bout ou diskoeit d'un dén disket benak. Marsé éh es én ou zouéh lévreu dibaot .
- Hui gred, emé er goard, get ur guenhoarh."
Ha mé de gemér deu pé tri aral. Unan anehè e choman pellik de sellet dohton. Lan é a engravadurieu ar zir, koh ha kurius.
« Hui hel er has genoh, emé er goard. Unan nebetoh de loskein!»
Ha mé d'el lakat ém sah-béaj, goudé bout huéhet diarnehon un trohad heuen groeit a ludu ohpen kant bléad treménet.
Goudé bout achiùet tro er hastel ha reit guerh butum d'er goard, mé oeit ha kuitat er hastel, me spered trebouletoh hoah eget kent. Breman é ma haval genein bout anaùet en lntron. Oeit on én hé hanal hag é kreska énnon en hoant de ouiet pen dehi. Hé goaleur hag hé hened e denéra me halon. Ne ouian ket petra rehen aveit degoéh, én un taol, get hé spurmant, didan gué derù ihuél er rabin e heulian aveit pellat. Hoantat e hran bout unan ag er gué koh-sé hag en des hé guélet é tremen.

Souéhus é ma hel en dén en em-stagein elsé doh tud ha nen dè ket anaùet, ha donet d'ou harout, zoken a pe ne vè ket sur é mant bet biskoah biù. Bourein e hra hor spered darempredein kevrineu, braùeit d'hor faltazi, hag e za d'hon digol a druhégeh er péh e goéh didan hor skiendeu.
Deit e oen ataù d'er gér a mem baléaden, leuiné énnon bout guélet ur hastel kaer; met klouhañnek eùé forh n'em boè gellet splannat, tam erbet, tioélded en doéré souéhus-sé.
En ur zegoéh ér gér, em boè skarhet me sah-béaj ha kavet abarh el lévr koh deit genein a zuhont, ha n'em boè ket mui sonj anehon.
Ar getan pajen el lévr, ér horn deheu, d'el lein, é lennèd : Ex Libris Morvan, presb. Sacrarii in Treces­sone, skriùet mat, get liù du, melénet get en amzér; ha didan : 1717.
Ha, sonj en Intron ataù ém fen, mé oeit ha laret kriù : « Chetu uI lévr hag e zo bet d'er beleg en doè guélet en Intron burhudus ! »
Ha mé de droein er follenneu, trebouletoh eget biskoah.
Ar er bajen-hanù é lennan : Les Métamorphoses d'Ovide, traduction nouvelle par Monsieur l'Abbé de Bellegarde, Tome second, ha d'en dias : Amsterdam, Aux dépens d'Etienne Roger, chez qui l'on trouve un assortiment général de musique. MDCCXVI.

Monet e hran get el lévr, follen arlerh follen, ha stank, sel diù pé tèr anehè, éh arrestan de sellet doh en trèsadenneu kurius e zisko dein kredenneu er baiañnaj diar en douéed pé er houroned troeit de ué, de bisked, de éned, h. h.
Ér bajen 307 é kavan ur juden tennet a Georgicœ, Virjil, diar guénén er bugul Aristé, mab Apolon.
Alijet get en urisinour Proté, ean en doè kenniget pear kolé tarù ha pedér anoér de zouéezed en Deur. Hag a gorveu brein el loñned lahet, étré kig ha krohen, é tas nezé guénén hag en doè ean digollet ag é ré.
Hag er juden e lar aveit achiù : « Ind (er Guénén) e saùas én ér ag en amzér, havaI doh un taro kogus, hag en em-dolpas, ér fin, é blein ur uéen. En em­-stagein e hrezant doh bégeu er vrisenneu moén, haval doh bareu rezin. »
D'en dias ag er bajen, én tachad chomet e guen, peder linennad skritur-dorn, havaI doh en hani e zo ar dal el lévr, met disliùetoh hoah e lar: «Quer souéhus é, pédost er gureen e za tostic pep plé de varein doh cantolér cheminal cambr en intron burhudus é castel trehuison. »
Souéhuset un degoéh ! Er béleg-sé enta en doè eùé labouret é spered diar en Intron-sé.
Izélikoh éh es hoah un dra benak skrïùet, met el lénn n'hellan ket a fèson. Tostoh é d'er viùen, disliùe­toh get en amzer. Dré forh divarhein men deulagad neoah é tan de ben a luélet er girieu-man : « É-tré quic ha crohen el lonned marrue é h-oai cuhet espéranç Aristé; étré quic ha ...el livr ... » Goudé n'en des ket tu de lénn nitra kén, dèbret men dè er papér get ur prenù-toulér .

Pétra en des vennet er skrivour laret ? É guirioné, n'en des nameit kevrineu é kastel Treùison !
Mechal péh girieû e oè én tachadeu dèbret-sé ? Pèl e choman de sonjal ha de âsé kompren. Cherrein e hran el lévr hag éh eùehan é ma goleit get krohen lé. " Etré kig ha krohen"? Ne vehè ket ag el lévr é komzehè ? Sellet e hran perùehoh dohton hag é huélan é ma distag er krohen doh er hartons e zo didan. En em-zèbret en des er peg, get en amzér merhat, hag er biùenneu tronset é diabarh el lévr, ne chomant én ou leh nameit dré akustumans. Ou séùel e hran hag é kavan, étré el lér hag er hartons ur follen papér tenaù, skriùet ol get en dorn.
Ag en dra-man suroalh é komzè et linenneu-sé : étré kig ha krohen ...
Ha mé de zispleg er folen. Get souéh bras é lénnan arnehi er girieu-man:
« Lénnour sontil hac en dou cavet er feilIenn-men, clèhuet peh e ouian-mé diar intron burhudus trehuisson.
En dé ma oai cavet goulif er gambre e- hoen-mé oeit, el tut er hastel de glasque ar-lerh en intron. Hep gout, e couehas me seIleu ar en daole ma oai bet poset arnehi couron ha braguerisseu en intron. Laqueit e oai bet er gouron ar hé siIl hac èl ma h-oai goleit en daol get un tam danhué fin ha blot, é h-oai chomet merch er gouron a-barh. É sellet mat doh hé leh, em boai eueheit, crouiset én danhué plechet, diu herminic hag, etrézai, el lettrad-men, én amguine :
HERB
... TVOB TEGE LEVREM ...
Doh ou eil-pennein em boai fonnus comprennet é h-oai Breh er guir quetan, hag, edan, devise hur bro : «Kentoh mervel eget bout cousiet ».
Maes er homseu-sé, en intron en doai int laret, revé francés ! ...
El ma ta ul luhedenn de splanein un nos teoüel, er gavaden-se e laquas, en un taole, splander em isprit.
Ur spurmant e oai en intron burhudus : spurmant Breh, mem bro, glan, caloneq, fidél dehi hé h-unone, hac en des er francision, harpet get bretonet treitour, clasquet gallecat, mouguein én teoüeldet hac interrein é biv.
A pe gredent bout deit de ben ag ou zorfet, unone ag he bugalé uvélan en des ou scontet guet e nerh­-calon.
Er gureen e za bep plai de varrein én he hambr hac e deh goudé, hep ne hellér ou charrein, e zou symbol hé haranté aveit el liberté.
Chetu ataù peh é mes mé comprennet.
MORVAN
Bêlec
Breman é ma dinéhanset me spered ! Kompren e hran, mé eùé, er hevrin, ha gout e hran perak éh es tud hag e lar ou des kavet en Intron burhudus ar ou hent, ha kleuet geti komzeu filimus n'ou des ket ankoéheit kén.
Er ré-sé e zo hé bugalé féalan hag en des kredet hé homzeu ha gloestret dehi karanté ou halon gour.
Kavet em es hé-mé un dé eùé ha bamet on bet d'hé hened hirbadus ha d'er homzeu hep ou far e vourbout dein bamdé é pleg me skoarn.
Mar klasket mat, tud iouank, hui hé havo d'hou tro ar hou hent, ha hi e laro deoh girieu, girieu e hrei d'hou kalon hirisein ...
 

 

La merveilleuse dame de Trécesson

Quand on va de Campénéac, dans le pays Gallo, vers le nord-est, on arrive, à environ trois quarts de lieue du bourg, dans une vallée isolée qui s'étend aux pieds de hautes collines pierreuses et sèches.
Dans cette vallée, cachée par des arbres très hauts qui se souviennent des temps anciens, on trouve un château qui n'a sans doute pas son pareil sur la terre de notre pays : le château de Treùison ; ou Trécesson, comme on dit en français.
Il se dresse là, hautain et élancé, entouré d'eau. Ses hautes tourelles se reflètent dans le lac où leurs ombres, qui les rallongent encore, semblent fureter parmi les feuilles plates et les fleurs blanches du nénuphar.
Il a été construit avec la pierre du pays, une sorte de tuffeau rouge. S'il vous arrive de passer par là, quand le soleil l'éclaire, vous serez surpris par son aspect un peu rougeâtre, piqueté par l’argent des lichens de muraille, qui donne à l'eau du lac cette couleur vieux sang, un peu marbré ici et là. Par endroits, les murailles sont couronnées de lierre sombre et brillant.
Les hauts murs sont percés de petites fenêtres ou des meurtrières étroites qui, tels des yeux de géants, dardent leur regard noir sur les cimes vertes des arbres des alentours.
Au VIII° siècle, un château se dressait déjà en ce lieu : la résidence des princes de Ploërmel, d'Augan et de Campénéac.
Au même endroit, on construisit au XIV°, le château actuel.
Pour s'en approcher, il fallait jadis franchir un pont-levis qu’on abaissait entre les deux tourelles de la façade jusqu’à un bout de digue. Dès lors que la digue fut prolongée jusqu’à l’entrée, le pont perdit son utilité.
Une galerie éclairée par des fenêtres permettait le passage d’une tourelle à l’autre. Sous cette galerie, au-dessus de la porte, on peut voir un bouclier, sculpté dans la pierre, portant les armoiries des seigneurs de Trécesson et leur fière devise : «Plutôt rompre que plier».
Au temps où les seigneurs et leurs serviteurs vivaient encore à Trécesson, il devait avoir une allure si noble et si majestueuse qu’on ne trouvait sans doute dans la région d'autre château que celui de Josselin pour éveiller autant de crainte et de respect dans le cœur du passant.
Gilles, marquis de Trécesson, l’aîné de la lignée, en était le propriétaire en l'an 1717. Il y habitait avec Anna Le Nein et leur maisonnée, mais, comme il servait comme officier dans les armées du roi de France, il n’y résidait que quand il en avait le loisir.
Gilles était âgé de 53 ans lorsque survint l'événement dont nous allons parler. C'était un homme robuste et alerte dont le passe-temps favori était la chasse au cerf, alors très répandu dans la région, spécialement dans les bois de Trécesson.
D’autres que lui appréciaient la chair de cet animal. Les chasseurs du pays, des ouvriers et des forestiers, se permettaient parfois de faire, ni vu ni connu, un petit tour dans les bois du château ; ils opéraient surtout la nuit pour être encore plus assurés de passer inaperçus.
Noël approchait. Les châtelains n’avaient pas été sans remarquer que les braconniers s'en prenaient davantage au gibier en cette période de fin d'année. Aussi avait-on chargé François, le garde, de faire des rondes nocturnes pour éloigner les voleurs.
Deux jours avant Noël, l'année dont je vous parle, un terrible orage s'abattit sur la région ; un de ces orages qu’on voit parfois en Bretagne à cette période de l'année. «Une nuit rêvée pour les chasseurs», se dit François. Aussi, lorsque chacun eut regagné sa chambre, s’en alla-t-il, emmitouflé dans un manteau de gros drap et armé de deux pistolets, se poster dans un massif de lauriers, à la lisière du bois, dans une cabane de genêt qu'il avait construite les mois précédents,.
C'était la pleine lune : il faisait si clair qu'il verrait les chasseurs rôder. La tempête soufflait en bourrasques déchaînées. Les branches des arbres craquaient, grinçaient en frottant les unes contre les autres ; le vent hurlait dans la cime des sapins de croix.
 Par moments, des lambeaux de nuages noirs passaient sur la face blême de la lune, fuyant éperdument vers l'est comme chassés par tous les diables de l'enfer. Ils apportaient à chaque fois une forte averse dont les gouttes de pluie mêlées de gros grêlons claquaient sur les branches.
Il ne faisait pas bon se promener. Pourtant, une demi-heure environ après s'être mis à l'affut, François eut l'impression d'entendre comme un bruit de sabots de chevaux, là-bas, sur l'allée du château.
Qui diable viendrait à cette heure, un équipage qui plus est, sans en avoir informé Monsieur?
Les mugissements du vent avaient empêché François de suivre l’approche du bruit ; aussi fut-il fort surpris, un instant plus tard, en voyant déboucher, face à lui, un carrosse attelé de deux chevaux lancés au galop. L’attelage tourna brutalement dans la clairière et vint s’arrêter à quelque deux cents pas de lui, tout près d'un tas de feuilles sèches qu'il avait justement râtelées à cet endroit la saison précédente.
Les chevaux haletaient ; une vapeur faite de sueur et de pluie s'élevait au-dessus d'eux. A peine s’étaient-ils arrêtés que, du siège du cocher, deux messieurs bien vêtus sautèrent à terre ; ils portaient des manteaux et le haut de leur visage était masqué par une pièce d'étoffe noire. Ils ouvrirent la portière. Deux autres messieurs de même allure descendirent de la voiture dont on sortit aussitôt deux bêches et deux étreppes. Enfin apparut une jeune femme, toute de blanc vêtue, telle une mariée au jour de ses noces, un lourd manteau de velours jeté sur les épaules.

François ne savait que penser. A la lueur de la lune à nouveau découverte, il parvint à distinguer la silhouette des gens avec plus de netteté. La jeune dame paraissait être une bien jolie fille. On aurait qu'elle avait les mains liées dans le dos car on ne pouvait les voir.
Sans un mot, les quatre hommes s'emparèrent des outils et se mirent à creuser à proximité du tas de feuilles. Ils paraissaient être bien pressés et besognaient d’arrache-pied. Après un quart d'heure d'efforts, ils s'arrêtèrent. L'un d'eux - le chef, probablement - s'approcha de la jeune femme. Il s’adressa à elle d’une façon qui semblait arrogante, accusatrice. La distance qui les séparait était cependant trop grande, et le hurlement de la tempête trop fort dans les arbres pour que François puisse suivre la conversation. Cependant, le vent, en tourbillonnant, an rabattait des bribes vers lui. Ils s'entretenaient en breton et en français. François, né à Saint-Gonéry, entendait le breton ; aussi comprenait-il parfaitement les paroles qui lui parvenaient.

Il entendit en particulier le monsieur dire, en français : «Que de manières! Pourquoi ne voulez-vous pas parler français ?» Et puis, peu plus tard : «Pourquoi n'avez-vous pas voulu coucher avec le Régent ?»
Cette fois il entendit distinctement la voix douce de la jeune femme répondre en breton : «Cet homme n'a aucun droit sur moi. Nous ne sommes pas mariés, que je sache !»
« Vous l'entendez, messieurs ? » dit son interlocuteur, se tournant vers ses acolytes.

François ne put saisir la suite, mis à part une réplique de la jeune femme affirmée avec force : «Plutôt mourir que d'être souillée, fût-ce par un roi !»
Et l'autre de lui répondre, toujours en français : « Eh bien, comme vous voudrez ! Vous savez ce qu'a dit le Régent. Quelle fille entêtée vous faites ! La devise de Trécesson vous irait on ne peut mieux».
Un peu plus tard, François vit les quatre hommes se précipiter sur la jeune femme, la saisir sans ménagement et la jeter dans la fosse qu'ils avaient creusée. Malgré sa résistance et ses cris elle fut bientôt recouverte de feuilles et de terre.
François en fut tout secoué et il eut bien du mal à se retenir de crier. Mais que pouvait-il, seul, face à quatre hommes probablement armés ?
Se rappelant les deux pistolets qu’il avait emportés il reprit cependant courage. Cette jeune femme, il ne pouvait laisser ces meurtriers l’enterrer vive. Cela ne se pouvait ! Alors il hurla à pleine poitrine : «A l'assassin !» et tira un coup de pistolet.
En entendant cette voix si proche d'eux et la déflagration du coup de feu, les quatre malfaiteurs jetèrent leurs outils à terre, sautèrent dans le carrosse et prirent la fuite sans demander leur reste. Celui qui servait de cocher, labourant les flancs des chevaux de la lanière de son fouet, les arracha au grand galop.
François tremblait, malgré lui, tout retourné par ce dont il venait d’être témoin. Pour un peu il aurait cru avoir fait au cauchemar s’il n’avait devant les yeux la tombe à moitié comblée où gisait, sous la terre, le corps de la malheureuse jeune femme. Il accourut au bord de la fosse, ôta son manteau qu’il posa sur le tas de feuilles, saisit une bêche et se mit en devoir de vider le trou au plus vite.
Mais on comble bien plus rapidement une fosse qu’on ne la vide. De plus, il était seul. Bientôt, la sueur lui coula au front. Il fit une courte pause, le temps de cracher dans le creux de ses mains qui glissaient sur le manche de l'outil, et se remit à balancer la terre à l’extérieur.
Pelletée après pelletée, il atteignit enfin les feuilles jetées en premier à même le corps. Il fallait maintenant continuer avec précaution de crainte de le blesser. Une fois dégagée l'extrémité de la fosse où se trouvait le haut du corps de la jeune femme, il se mit à genoux pour balayer de la main les feuilles qui dissimulaient le visage. Il écarta les coins du voile et, aussitôt après, il découvrit la tête de la malheureuse. Il l’interrogea immédiatement: "Madame, êtes-vous en vie ? ". Aucune réaction ; aucune réponse.
A la lueur de la lune, la femme paraissait pâle et sans vie. «Il vaut mieux que j'aille chercher du secours», se dit François. Et il prit sa course vers le château.
Il eut vite fait de réveiller Monsieur Gilles ainsi que trois domestiques. Ensemble, ils revinrent à toutes jambes vers la fosse, apportant une civière avec eux.
La Dame était toujours étendue, comme sans vie. Une fois le corps totalement dégagé de la terre et des feuilles, ils le hissèrent doucement hors de la fosse, coupèrent les liens qui entravaient les mains dans le dos et le couchèrent sur le brancard.
C’est ainsi qu’ils revinrent au château avec leur fardeau.
Depuis le parc on voyait des lumières passer devant les fenêtres : la châtelaine et personnel du château, tout le monde était réveillé. La nouvelle, dont ils ne connaissent pourtant qu’une partie, les avait tous bouleversés.
Arrivé sous le portail, deux serviteurs vigoureux prirent le corps, l’un par les pieds, l’autre par les épaules, le soulevèrent de la civière et, empruntant l’escalier, le portèrent au premier étage où se trouvaient les chambres.
Dame Anna et les femmes avaient préparé un lit. On ôta le manteau de velours vert qui recouvrait les épaules, le voile, le beau et lourd diadème posé sur la tête. On se mit en demeure de faire l’impossible pour la ranimer.
Cependant, en dépit de leurs efforts prolongés, la pauvre femme ne manifestait pas le moindre signe de vie. Finalement, l’aumônier approcha un miroir de ses lèvres afin de voir si elle respirait. Dieu soit loué ! Elle vit !... Une légère buée vint troubler l'éclat du miroir. Ils continuèrent de lui prodiguer leurs soins jusqu’à ce qu’ils entendent un profond soupir monter de la poitrine de la jeune femme.
Elle était vivante. Les femmes apportèrent de l’eau chaude pour lui réchauffer les pieds et le corps.
Tous s’étonnaient devant les beaux atours que portait l’inconnue : ce n'était que soieries, or et pierres précieuses. Aucun doute : on avait affaire à une personne de haut rang. Quel mystère cachaient ces lèvres closes ?
Au bout d’environ une heure de soins attentionnés, elle ouvrit enfin les yeux. La vie revenue et la chaleur prodiguée lui avaient redonné des couleurs. Tous les assistants étaient subjugués par sa beauté.
On lui avait préparé du cidre chaud sucré au miel que dame Anna lui faisait prendre à la cuillère ; elle n’avait pas encore la force de lever son bras sur lequel se lisait encore la marque rouge laissée par le lacet. Une servante était venue aider à lui relever un peu la tête et dame Anna lui donnait à boire à petites gorgées.
Ce ne fut qu’une fois la tasse vide et la tête à nouveau reposée sur l’oreiller qu’on entendit le premier mot sortir doucement d’entre ses lèvres : «Trugaré !
- Que dit-elle ? demanda monsieur Gilles.
- Merci», dit l'aumônier, bretonnant lui aussi.
Ensuite, elle tourna un peu la tête vers le mur, comme pour dormir et prendre congé.
Personne n'osa plus dire un mot. On n'entendit plus que les hurlements du vent dans la cheminée, les grêlons qui cognaient aux vitres et la jeune femme qui respirait tout doucement, comme un jeune enfant.
Bientôt, comme elle s'était endormie, ils se retirèrent tous sur la pointe des pieds, ne laissant avec elle qu’une servante. Vers le matin, cette dernière, voyant que femme continuait à dormir, éteignit la lumière et sortit à son tour pour faire un somme avant le jour.
Tout le monde avait mal dormi en pensant à la jeune fille ; chacun avait hâte au jour pour apprendre qui elle était et ce qu'il lui était arrivé.
Depuis son lever, dame Anna était allée déjà plusieurs fois, à pas de loup, coller son oreille contre la porte de la jeune dame : rien ne bougeait, aucun bruit ne provenait de la chambre.
Vers onze heures cependant, n’y tenant plus et angoissée à son sujet, dame Anna frappa doucement à la porte. Aucune réponse… Trois coups plus forts : toujours aucune réponse… Il n’aurait pas fallu la laisser seule cette nuit ! Peut-être avait-elle passé ?
Comme elle craignait d'entrer seule dans la chambre, elle fit venir une servante pour l'accompagner et on ouvrit la porte. Le lit était vide ! La chambre était vide !

Qu’était-elle devenue ? Dame Anna courut porter la nouvelle à la maisonnée et tous se mirent à chercher dans tous les coins et recoins. On ne trouva pas la moindre trace.
Et cependant, comment aurait-elle pu quitter le château alors que le pont-levis était levé, que la fenêtre de sa chambre était si haute ? Comment aurait-elle traversé l’eau pour atteindre la rive de l’étang ? Non, ce n'était certainement pas par là qu'elle s’était enfuie. Et puis, la fenêtre était bien close…
On revint dans la pièce, on fouilla les armoires, sous le lit, dans la cheminée. Nulle part on ne releva trace d'elle. Seul son voile était resté suspendu au bras d’un chandelier fixé à la boiserie de la cheminée.
Il y avait aussi, flottant dans la pièce, comme un parfum agréable, comme l’odeur de la bruyère et du blé noir en fleur…
 
 - Deuxième partie -
Entre la chair et la peau
 
Les gens de Trécesson furent bien étonnés, bouleversés, à tout le moins embarrassés par ce qui s’était passé cette nuit-là au château.
Beaucoup d’autres, après eux, ont été bouleversés à leur tour en entendant les anciens rapporter cette histoire de génération en génération.
Je fus de ceux-là.
Qui donc pouvait bien être cette jeune femme ?
Qui étaient les gentilshommes qui l'avaient enterrée vivante?
Quel crime avait-elle commis?
Comment avait-elle quitté le château de Trécesson ?
Toutes ces questions, et bien d'autres encore que chacun se posait, restaient sans réponse.
Cette énigme me taraudait moi aussi, et je souhaitais trouver l’occasion de visiter le château.
Elle me fut donnée, un jour.
Arrivé devant la porte d'entrée, là où tant d’esprits s’étaient pris à s’interroger, je m’arrêtai aussi, songeur et muet, à regarder les deux tourelles rondes posées sur leurs piliers coniques. De leurs six yeux sombres et sans paupières elles me jetaient des regards désapprobateurs ; comme pour me reprocher ce désir que j’avais de connaître ce qui devait, peut-être, rester secret.
Je pénétrai, cependant, à l'intérieur.
Je demandai au gardien de m'accompagner pour une visite du château, vide de tout habitant à cette époque et menaçant ruine en maints endroits.
Je le suivis, empruntant l’escalier qu'avait dû prendre la jeune femme portée par les domestiques de Trécesson. Il m'ouvrit la porte de la chambre où elle avait été conduite.
«Chose curieuse, me dit le gardien en me montrant le chandelier fixé à la cheminée, à la saison des fleurs, quand la fenêtre est ouverte, il arrive souvent que des essaims se fixent sur ce chandelier dont on dit qu'il a porté le voile de la Dame. Mais on ne peut les retenir. Après s'être reposées, les abeilles s'échappent pour retrouver les bois et y vivre en liberté. Maintenant, il y a des gens qui disent qu'ils voient, la nuit, une dame tout de blanc vêtue errer autour du château. Moi, personnellement, je ne l'ai jamais vue. Mais quand on s'en approche, elle disparaît brusquement, dit-on ; comme s’efface le rai de clarté quand un lambeau de nuage masque brusquement la face de la lune».
De là, nous gagnâmes la chapelle, elle aussi abandonnée et humide. Chaque chose y était encore pourtant à sa place et je reconnus l'endroit où était suspendu le voile de la Dame ; ce voile que les jeunes filles des alentours venaient baiser, avant de se marier, dans l’espoir d’une vie heureuse.
Le voile a été perdu, durant la Révolution. De la merveilleuse Dame, il ne reste donc plus au château que son mystérieux souvenir.
Toujours suivant mon guide, je gagnai les greniers où je fus ébahi par la charpente puissante et si magnifiquement assemblée qui supportait la lourde toiture recouvrant le château. J’admirai les chevilles de bois utilisées pour fixer les grosses ardoises et dont l’extrémité dépassait d’au moins la longueur d’un doigt dans le grenier ; les voliges en étaient comme hérissées de peignes à chanvre aux dents pointues.
Nous arrivâmes dans le grenier de la tourelle. J'aperçus, dans un coin, un tas de vieux livres, recouverts de toiles d'araignée et à moitié rongés par la vermine.
J’ai toujours eu la passion des vieux livres. Je ne puis m'empêcher de m'arrêter près d'eux, de les prendre en main. J'ai pour eux le respect que l'on porte à des reliques, mais à des reliques qui auraient su garder leur âme.

J'en pris un pour l'examiner de plus près.

«Des vieilleries qui ne font qu'encombrer les combles, dit le gardien. Un de ces jours, je les descendrai pour les brûler.
- Les brûler ! lui dis-je. Pour l'amour de Dieu, ne faites pas cela sans les avoir montrés à quelque personne érudite. Peut-être y a-t-il parmi eux des livres rares.
- Vous croyez ?», me répondit le gardien en souriant.
J'en pris alors deux ou trois autres. L’un d’entre eux retint plus particulièrement mon attention ; il contenait de nombreuses gravures sur métal, anciennes et curieuses à la fois.
«Emportez-le, me dit le gardien. Ça m’en fera un de moins à brûler !»
Je le mis dans mon sac de voyage, après avoir soufflé la couche de poussière qui le recouvrait ; une poussière de cendres plus que centenaires.
Une fois la visite du château terminée, une fois le pourboire d’usage glissé dans la main du gardien, je quittai les lieux, l’esprit encore plus perturbé qu'en y arrivant. J'avais maintenant l'impression d'avoir connu la Dame. J’avais senti sa présence et cela augmentait chez moi l’envie d’en savoir davantage à son sujet. Son malheur et sa beauté m’attendrissaient. J’aurais donné n’importe quoi pour me trouver, à l’instant nez à nez, avec son spectre sous les grands arbres de cette avenue par laquelle je m’éloignais. J’aurais souhaité être l’un de ces vieux arbres qui avaient certainement été témoins de son passage.
C’est étonnant comme l’on peut ainsi s’attacher à quelqu’un d’inconnu et en venir à l’aimer, même si on n’est pas absolument certain qu’il ait jamais existé. Notre esprit aime à se complaire dans le mystérieux que nous façonnons librement à notre fantaisie ; ce mystérieux qui nous console de la pitoyable misère dont nos sens nous font sentir la réalité.
Malgré tout, je rentrai de ma tournée heureux d’avoir visité un château remarquable, mais un peu affligé tout de même de n’avoir pu percer, ne fut-ce qu’un peu, l’opacité de cette affaire.
En vidant mon sac de voyage une fois à la maison, je trouvai le vieux livre que j’avais emporté de là-bas ; je l’avais oublié.
Sur la première page, dans le coin en haut à droite, on lisait : Ex libris Morvan. Presb. Sacrarii in Trecessone. La mention était d’une belle écriture à l’encre noire, jaunie par le temps. Une date figurait dessous : 1717.
L’esprit sans doute encore tout accaparé par le souvenir de la Dame, je m’écriai : «Mais ce livre a donc appartenu au prêtre qui a vu la merveilleuse  Dame !»
Plus excité que jamais, je feuilletai aussitôt l’ouvrage.
Sur la page de titre on lisait : Les Métamorphoses d’Ovide, traduction nouvelle par Monsieur l’Abbé de Bellegarde, Tome second. Plus bas : Amsterdam. Aux dépens d’Etienne Roger, chez qui l’on trouve un assortiment général de musique. MDCCXVI.
Je parcourus l’ouvrage, m’arrêtant au moins toutes les deux ou trois pages pour regarder les curieux dessins qui représentaient des scènes de la mythologie païenne où les dieux et les héros sont transformés en arbres, en poissons, en oiseaux, etc.
A la page 307 se trouvait la légende des abeilles du berger Aristée, fils d’Apollon, tirée des Géorgiques de Virgile.
Sur les conseils du devin Protée, il avait offert quatre taureaux et quatre génisses aux déesses de l’eau. Des corps putréfiés des animaux sacrifiés, d’entre la peau et la chair, sortirent alors des abeilles qui le dédommagèrent de la perte des siennes.

La légende se terminait par ces mots : «Elles (les abeilles) s’envolèrent telles une nuée et se rassemblèrent enfin à la cime d’un arbre. Elles se fixèrent à l’extrémité des frêles rameaux telles des grappes de raisin».
Au bas de la page, dans la partie non imprimée, quatre lignes de la même encre que celles figurant sur la première page mais encore plus pâlies disaient : «Tout aussi étonnant, ou peu s’en faut, le fait que les abeilles viennent quasiment chaque année accrocher leur essaim au chandelier de la cheminée de la chambre de la mystérieuse dame de Trécesson».
Quel étrange hasard ! Ce prêtre s’était, lui aussi, intéressé à l’énigme de cette dame.
Plus bas il y avait encore quelque chose d’écrit, difficile à déchiffrer car plus près du bord de la page, plus pâli par le temps. A force d’écarquiller les yeux, je parvins cependant à lire les mots suivants : «Entre la chair et la peau des animaux morts était caché le souhait d’Aristée ; entre la chair et….. du livre …». Impossible d’en savoir davantage car le papier avait été tout mangé par les vers perceurs.
Qu’avait donc voulu dire l’auteur de ces lignes ? En vérité on allait de mystère en mystère dans ce château de Trécesson !
Quels étaient les mots qui se trouvaient dans cet emplacement aujourd’hui rongé ? Je réfléchis longtemps dans l’espoir de trouver la réponse. En fermant le livre, je remarquai que la reliure était du veau. «Entre chair et peau ?» Et s’il s’agissait justement du livre ? Je le considérai d’un peu plus près et remarquai que le cuir s’était détaché du carton sur lequel il avait été collé. Sans doute la colle avait-elle mal vieilli et les bords de la reliure repliés en dedans ne tenaient plus que par habitude au carton. Je les soulevai et trouvai, entre le cuir et le dos, un mince feuillet couvert d’une écriture manuscrite.
Sans aucun doute était-ce cela qu’il fallait comprendre par : entre chair et peau…
Aussitôt, je dépliai le feuillet et lus, avec étonnement ce qui suit : Lecteur avisé qui avez découvert ce feuillet, écoutez ce que je sais au sujet de la mystérieuse dame de Trécesson
Quand on découvrit que la chambre était vide, je participai, comme tous les habitants du château, aux recherches pour retrouver la dame. Par hasard, il advint que mon regard se portât sur la table où avaient été posés le diadème et les bijoux de la dame. Le diadème qui avait reposé sur chant avait laissé son empreinte dans le fin linge souple qui la table. En y regardant de plus près, je remarquai deux hermines, comme imprimées en creux dans le tissu ; entre les deux s’était imprimé à l’envers :
HERB
… TVOB TEGE LEVREM
En les déchiffrant à l’endroit, je compris rapidement que le premier mot était Bretagne et que la seconde ligne reprenait la devise de notre patrie : Plutôt la mort que la souillure.
Ces paroles, aux dires de François, la dame elle-même les avait prononcées !
Comme l’éclair vient illuminer la nuit la plus noire, cette découverte fut pour moi une révélation.
La dame mystérieuse n’avait été finalement qu’une apparition : l’incarnation de la Bretagne, de ma patrie, sans tâche, courageuse, fidèle à elle-même, que les Français, aidés en cela par des traitres bretons, ont tenté de franciser, d’étouffer dans les ténèbres et d’enterrer vivante.
Alors qu’ils pensaient avoir accompli leur forfait, l’audace d’un de ses enfants les plus humbles les avait effrayés.
Les abeilles, qui viennent année après année se poser dans sa chambre pour s’échapper ensuite sans qu’il soit jamais possible de les capturer, symbolisent l’amour qu’elle éprouve pour sa liberté.
C’est en tous cas ainsi que moi je compris ces choses.
MORVAN,
Prêtre

Mon esprit était maintenant en paix ! En trouvant la clé de l’énigme, je compris, moi aussi, comment il se faisait qu’il existât encore des gens pour affirmer avoir rencontré la mystérieuse dame sur leur chemin, et avoir entendu de sa bouche des paroles qui leur sont allées si droit au cœur qu’ils ne peuvent les oublier.
Ceux-là sont ses enfants les plus fidèles, ceux qui ont eu foi en son message et lui ont voué l’amour de leur cœur d’homme.
Moi aussi, je l’ai rencontrée un jour ; moi aussi j’ai été subjugué par sa beauté inaltérable et par les mots sans pareils que chaque jour elle me murmure au creux de l’oreille.
Si vous cherchez bien, jeunes gens, à votre tour vous la rencontrerez sur votre route ; alors elle vous parlera et ses paroles feront tressaillir votre cœur…

Div nozvezh an Nedeleg

A-c'houde daou zeiz ha div noz ne zihan ket ar potarnoù hag an obuzoù a gouezh àr Jumigny. 0 c'hlevet a rer é tonet diàr lein menez Oulches, 'vel kizher arajet. Miaofial a reont, pep unan hervez d'e vrasted, hag e tarzhont uhel, izel, e kement lec'h a zoo Lod a ya e-barzh an douar d'en em goll, en ur ober "Pouk", 'vel ur maen ponner taolet er mor.

Heneoazh emaft. noz en Nedeleg 1914, ne vo ket kanet en ilizig skourret aze, doc'h ter uhelenn Paissy : Peoc'h àr an douar ...

Brezel a zo get an dud; brezel garv, brezel euzhus; Brezel mezhus ivez : bugale Doue doc'h en em iverifi a pa zo gourc'hemennet dezhe en em garout.

Sebouret eo an holl dindan ar barrad potin. Soudardedha tud ar vro, rac'h emaint er spont hag en aon, é c'hortoz marse bout dispennet a dammoù. Nag ur vuhez!

Stevan an Du a zo, get ur c'henseurt dezhan é lojifi e ti div c'hoar, chomet er vourc'hig-man en desped d'ar brezel.

Lezet eo Stevan aman dre gompagnonezh aet du-se trema koad Foulon, evit gouarn boued ha traoù e genseurted.

Da c'hortoz monet d'en em astenn er c'hav, àr ar feskad gwinizh brein, ar greun é kelidifi enne, emaint 0 fevar é tiviz en-dro d'an daol. Kornz a rer a noz an Nedeleg, ag an overenn a greiznoz, a vodoù bro pep unan. Lagadennoù heol ar c'houn àr dristidigezh ar vuhez pemdeziek. ..

Hag e klevont morzhol-orloj kozh tourig an iliz é kouezhel, daouzek kwezh doc'htu, àr arem ar c'hloc'h faoutet d'ar brezel.

MalI e vo monet da Gêrhun.

Savet int. En un taol, setu ar fenestr é tonet en ti, tan ifern dirak 0 daoulagad. E­kreiz ar gwer torret, ar moged, ar glustraj eilpennet, rac'h an dud a dec'h en ur vlejal.

Unan neoazh n'en deus ket gellet achap; Stevan an Du eo hennezh. Astennet eo dindan an daol, gwad é poullifi dindan e benn, dindan e zivhar. Pennvezvet eo d'an taol.

FichaI ne c'hell ket mui. Dihun eo hag e kav getafi emafi é hufivreal. Gwelet a ra é punifi en-dro dezhafi traoù e vro, an dud a anav, e blac'hig.

En un taol e kav getafi emafi e iliz e barrez, e Lanngweltaz. Un ilizig gozh, gozh, izel ha kloz. Leun eo an iliz a dud ha, doc'h aoter Santez Anna, e wel daoulinet ar pried hag ar plac'hig en deus kuitaet pemp miz zoo Henvel eo getafi spiifi delwenn Santez Anna é fichaI; astenn a ra he dom trema e vaouez hag e lâr dezhi kornzoù na gompren ket.

Ha setu bremafi un trouz bras, 'vel ma ra an avel é fardifi er siminal : un obuz arall ... Son a ra an orglezoù en e benn hag e klev an iliziad tud é kanal d'ur vouezh :

" Pezh trouz 'zo àr an douar ... "

Kreskaat a ra ar c'han, fonnapl 'vel trouz ar potarnoù bras a gentizh ma tostaont. T evel a ra ar c'han; trouzal a ra e benn 'vel pa vehe tarzhet; dizouaret eo, hag e ya da gouezh da dal an oaled. Un obuz arall c'hoazh ...

Un taol kri a achap getañ .

Ar-Ierc'h, trouz ebet. Trouz ebet nemet kleier bihan a glev é son, hep arsav, en-dro dezhafi, e-tal e zivskouarn, en diabarzh ag e benn; kleier bihan, kandoù anezhe.

A-nebeudigoù e ya trouz sklintin ar c'hleier àr wannaat, 'vel a pa vehent é pellaat, é pellaaL. Ne glev mui netra.

Bremafi e kav getafi emafi é teval en un toull don, don ha tefival ha yen. Hirisiñ a ra. Vatet eo ... An deiz àr-Ierc'h, da bemp eur, emafi kavet eno get soudarded degouezhet a-nevez. E genseurt a zo dispennet, marv; an div c'hoar gwallaozet.
Gronniñ a rer e benn hag e c'har hag emafi bountet er c'hentafi karr a dremen àr an hent é vonet àr-drefiv. Astenn a rer ar c'haezh Stevan àr ar plouz, e daon ar c'harr, leun a re gwallaozet.
Ha setu ar roñseed é krapiñ tukenn Cuissy d'ar pevar zroad, ha goude, Kamdro ar Marv, skubet noz ha deiz get tennoù ar Germaned kuzhet àr hent an Intronezed.
Horos ar c'harr a laka ar geizh a zo e-barzh da zamantifi ha da c'harm get an droug; ken nemet Stevan ha na glev ket mui e hini.
Emaint àr hent Oeuilly, goude àr hent Fismes. Ar-dro kreisteiz emafi divatet Stevan. Emafi en ur gwele; astennet eo, brevet e gorf, ponner, ur souezh ! e benn. Nend eo ket evit er sevel diàr an treuzpluek. E-taltafi e weI ur soudard, ur paper getafi, prest da skriv. Komz a ra moarvat, rak fichaI a ra atav e ziweuz, met komz ebet ne stok doc'h skouarn Stevan. Ne glev grik en-dro dezhafi, daoust da voned­doned an dud, ken 'met trouz ur ruchennad gwenan é labourat en e benn. «Bouzar on perchañs» a soñj-eñ .
Bouzar, ya, hag oc'hpenn : n'en deus mui soñj a netra netra ebet.
Petra 'zo arru getañ? N'her gouer ket. E­menn emañ -en? Nend eo ket evit el lâret. Emañ 'vel pa vehe e tegouezh àr zouar ar bed-mañ .
Ne anav den; ne gompren den ...
Get ober àr e-dro neoazh, e teuer da aesaat d'e benn. Get e c'har e vezer pelloc'h. Dav eo fojellat lies enni, evit tennin anezhi an tammoù potin, an tammoù pilhot.
Klevet a ra ivez en-dro dezhan get ur skouarn hepken. Met kamm e chomo a-hed e vuhez. Lies e teuer àr-e-dro, d'en aters, da gomz getañ. Ne gompren netra. Ankouaet eo dezhafi ar gerioù a servij da vab-den da wiskin e sonjoù. Goulle eo e benn, goulle­kaer, 'vel hini ur c'hrouadur é tonet 'barzh ar bed.
Dre hir amzer neoazh, e teua da gompren ar pezh a vez goulennet getafi hag en em laka, en ivez, da zispleg e berr gerioù ar pezh a sonj, ar pezh a oui. Ar pezh a oui ! Met ne oui ket mui netra, netra, netra. A pa c'houlenner getañ e anv, a-beban emañ , e pe rejimant e oa ... e save zivskoaz, bamet ; sonj ebet n'en deus mui.
Paper ebet naket, ne gaver àrnezhan, hanter diwisket mah oa bet d'avel an obuzoù é tarzhin.
Hag emañ dav ober ul levrig dezhañ, get niverenn e wele, 202, e-Iec'h e anv, da c'hortoz an deiz e teuay, marse, sonj dezhañ en-dro. Daou-gant-daou a rer anezhafi beta goût. Miziadoù e chom e Fismes. Na hir e kav-en e amzer àr ar gwele-se. Penaos e vehe dezhañ er berraat? Etre e vuhez tremenet hag e vuhez a-vremafi eh eus ur vagoar uhel savet; ur vagoar zu plaen, 'vel tenvalded ur bez. E amzer tremenet? Ha bout en deus bet -en un amzer arall? Ne weI ket. An amzer dazonet? penaos e vehe dezhañ sonjal enni? Penaos sevel un ti mar ne hues diazez dezhan ? ...
A-nebeudigoù neoazh en em gustum ivez d'en em sonjal en-dro, é sellet dre fenestr ar c'hlañvdi, doc'h an heol é c'hoari e barroù dizelet ar gwez haleg-mor, steudet du-se, trema Fismette, àr-ribl ar Vesles, ha henvel doc'h skubellennoù, gwezh argantet, gwezh alaouret, gwezh ruz, hervez splannder an heol. Plijadur en deus, 'vel ur c'hrouadur en e gavel, doc'h 0 gwelet é chench liv. Hag a pa zeua d'an heol chomet kuzhet, e kav getafi emafi forc'het ag un dra bennak dleet dezhafi. Kogus a dremen diàr e spered neuze ha forzh aes e c'houelahe, 'vel ur c'hrouadur.
Ha pa zo bet tu dezhan d'ober hent emañ douget d'an tren ha kaset trema ar C'huzh­Heol, du-se da Vreizh, pell doc'h trouz ar brezel.
En ur c'hlañvdi e Naoned emañ diskennet. Eno ec'h achu donet da vat. Eno ivez moarvat e vo dav dezhañ chomel, goude ma vo aesaet dezhan. D'e-menn e yahe-en, a pa ne ouier ket a-beban emañ , na piv eo, ma mar en deus ur gêr.
Klevet a ra re-'rall, kenseurted dezhañ , é kornz ag ar gêr, ag 0 zud, ag ar re a garont. Emberr e yaint d'o gwelet. Doc'h an tu-se c'hoazh eh eus ur vagoar zu en e spered : ne weI-en dezhañ kêr ebet, na kar, na par ...
Ha neoazh ! Perak e vehe-en dishenvel doc'h ar re-'rall ?
A pa zeua dezhañ kompren e pe stad truek emafi, e tarzh un c'hwezenn yen àrnezhañ. Chourikal ara e zent get ar c'hâs enep d'ar re en deus-en tao let er vuhez-mafi. Daroù a strimp ag e zaoulagad hag e c'houel.
Un deiz, e-pad ma oa 'vel-se goasket e galon d'an anken, e weI é tostaat dezhañ un ofisour yaouank, gwallaozet en ivez. Azezin ara e-tal Stevan, àr ar vric'h, e liorzh ar c'hlañvdi. Hag ec'h esae distan da galonad ar c'haezh 202 get komzoù karantez.
- Na zoujit ket, a lâr an ofisour dezhañ .
- Displeget e zo clin ho stad spontus ha truez am eus doc'hoc'h. Ne veet ket dilezet.
Chomel a reet amafi betak ken ne c'helleet en em gas. Neuze e vo aesaet din-me ivez. C'hwi 'zeuay genin d'am zi. Bout em eus un ti e Naoned, ur vaouez, bugale.
C'hwi a sekouro kempen an ti; paeet e veet. A pa vo roet ho pañsion deoc'h, rak soudard ne veet ket ken, e kaveet atav lec'h geneomp. Goude ar brezel, mar choman bev, e yaimp rac'h d'am bro, da V reizh- Izel, ur vroig kaer ha didrouz a blijo sur deoc'h.
Sourrin a ra arre an daroù àr ar c'haezh Stevan, met vad a reont dezhafi an taol­man. Kavet en deus ur galon hag en deus truez doc'h e anken; un den hag en deus karantez doc'htañ .
Nag ul levenez ! Graet eo bet 'vel m'en deus lâret dezhañ an ofisour. Setu-en bremañ en un tiig diamen, tost da gêr, eurus 'vel n'en deus sonj bout bet biskoazh. Eman eno get tud vat ; nend eus ket hanter anezhañ , dreist pep tra ar vugale. Gwir eo e laka-en ivez e holl albac'henn d'ober plijadur.
Monet a ra an ofisour kuit hag e chom e­unan get ar vestrez. Dre bep div wezh e teua ar mestr d'ar gêr.
Hag e ya ar brezel d'e hent, gozik hep goût dezhañ .
E Lanngweltaz ivez emafi gwelet ar brezel é vonet dIe hent ; met nag a zaroù a zo bet skuilhet an deiz ma oa deuet ar person, ur goubafivezh-noz, da skeifi àr zor tiig plouz Bejeb an Du, er vourc'h, tostik­tra d'ar vered. Fall zoere a oa get ar person an deiz-se, hag a-raok ma en doa kornzet eh oa bet dav da Vejeb azezet àr ur gadoer. He c'halon a lâre dezhi e oa kouezhet ar gwall àr he zi.
Kollet e oa Stevan an Du a-c'houde noz an Nedeleg, tri miz kent. Hafini n'helle lâret petra 'oa degouezhet getafi. Anat ebet ne oa kavet anezhafi e Jumigny. Marse e oa lazhet, marse gwall aozet, marse tapet d'an enebourion. Hafini ne ouie.
Nag ur tarzh kalon evit ar gaezh vaouez ! Braset ur glac'har evit he merc'hig Anna !
Met petra ober ? Doc'h an dud ne oa ket kalz a gonfort da glazh : e-Ieizh a re-'raII, er vourc'h, àr ar maez, a oa en he stad. Pep unan en devoe e groaz da zougen, skafiv pe ponner. Gouelifi, pedifi. Ne chome mui get ar mammoù, ar priedoù, ar vugale, nemet an daou ziskarg-se d'o c'halonadoù bar.
Hag e ti Bejeb an Du, lies e veze gouelet ha bemdez e veze pedet. Bemdez e veze goulennet get Santez Anna degas d'ar gêr an hini kollet.
Piv 'oui? Marse emañ prizonour?
Graet en devoe ar gaezh vaouez ar soñj­se ha klasket e oa bet àr-Ierc'h Stevan e kement kognel a zo er Germani.
Netra. A-dal an deiz-se en devoe lakaet mat Bejeb en he c'hredenn eh oa intafivez. Ha dehanet he devoe a c'houlenn get Santez Anna degas dezhi he fried en-dro. Bremañ e pede evit repoz vat e enefiv, rak marv e oa hep arvar.

Annaig neoazh, get he feiz degeij ha he fiziañs krouadur, ne venne ket kredifi eh oa marv he zad.

Ma mamm, a lâre-hi lies, ne gredan ket­me emafi marv ma zad. Santez Anna en deus eii gouamet, kement 'vel ma hon eus pedet hon div. Un deiz bennak e teuay en-dro, c'hwi 'welo ...Un deiz bennak ! Setu daou vlez, tri blez, pevar blez brezel tremenet hag an deiz bennak-se, atav nen deua ket.

Setu arsavet an dud d'en em lazhiii : doere ebet atav. Setu ar soudarded é tonet d'ar gêr : den! Degouezhet eo ar re prizonet er vro, ha Stevan nend eo ket deuet gete ...

Ar wezh-mafi ne talv ket mui gortoz hag àr galon Annaig e vale, meur a wezh, koumoul du an dic'hoanag (dizespoar). Ha neoazh ar person a lâr dezhi derc'hel da bediii.

«Piv 'oui ? a lâr-eii; traoù ken souezhus a weler bemdez er gazetoù : tud é tegouezh ha ne oer ket mui engortoz anezhe ! Galloud Santez Anna a zo bras ha madelezh an Aotrou Doue brasoc'h c'hoazh».

Met siwazh ! emafi ar blez àr-Ierc'h ar brezel ec'h achu ha den ne zistro.


Arro eo deiz an Nedeleg. Lakaet en deus ar person en e soiij kanal an overenn a greisnoz : ar wezh kentafi a-c'houde ar blez 13. Daoust d'ar begin, jourdoul a zo e-mesk tud ar barrez. Desket e zo d'ar vugale skol kanal an noelennoù kozh.

Ur c'hraouad loened nevez, hag ur Mabig Jezuz, ur Werc'hez, ur sant Jojep, aeled daoulinet, re-'rall é nijal doc'h gommennoù, ur stirenn argant luehus ha traoù arall c'hoazh a zo bet kas et d'ar person get tudjentil maner ar Gozh-Lez.

Graet en deus an aotrou ar brezel penn­da-benn, hep bout gwallaozet 'met ur wezh hag, evit trugarekaat Doue, en deus vennet reifi un dra bennak d'iliz e barrez.

Donet a ray d'an overenn a greisnoz get e diad. Da vintin, an deiz kent Nedeleg, emaint degouezhet er maner, goulle a­c'houde blez ar brezel.

Son ara daou gloc'h ar barrez a gloc'had.

A gement toull hent a zo e tibouk er vourc'h bandennoù tud é vonet d'an iliz a weler é splannifi du-se dreist kroazioù ar vered.

Setu tudjentil ar maner : an aotrou, an intron, daou grouadur, ur mevel, ur vatezh. Monet a reont da gemer 0 lec'h e pank ar maner, du-se, e kazal an iliz, a-dal d'aoter Santez Anna.

Ag an tour, àr o-goar e teval en iliz daouzek taol hantemoz.

Eman ar person doc'h an aoter. Leun-bar eo an iliz.

Krog a ra ar vugale get 0 c'han ha kentizh setu an dud vras é skoazifi gete :

Pe trouz 'zo àr an douar Pe kan a glevan-me ...

Da gentafi eman aonik ar bouezhioù, met setu-int é hardizhaat, ec'h avelantaat. 0 ! nend eo ket ar c'han a vez e ilizioù kêr a zo aman; ne glever ket ar bouezhioù é flourikaat, é foefivifi hag e strizhaat, harpet get taran an orglezoù. Aman e kaner a vegad hag a greiz kalon. Kan ar vugulion e kraou Betleem.

'V el m'eman e plij d'an dud. A-c'houde ken gwerso nend eus ket bet kanet en iliz kanennoù kaer Breiz- Izel !

Plijadur en deus ivez aotrou ar Gozh-Lez. En desped dezhan e pik e zaoulagad get an daroù, hag e nij e sofij, àr-drefiv, en e vuhez.

Gwelet a ra e yaouankiz bourrus e maner e dud, e-mesk bugale ar veitourion, deiz e eured, ar brezel... ar brezel... O! ar brezel ! Dalbezh enta e vo ar sonj ag ar vuhez euzhus-se é tislivin àr ar sonjoù kaerafi. ...

Mevel ar maner, en, a chom badaouet.

Rac'h an traoù-mafi. evitafi.-en a zo nevez. Nend eo ket a zre-mafi.. Ar c'han-se hag a glev evit ar wezh kentafi.; ar c'hornzoù-se ha ne gompren ket; an dud-mafi. ha na anav ket... Hag e sonj : «Me chal penaos e veze an overenn a greisnoz em bro-me ?» Met ne zisoc'h ket get e c'houlenn ... Setu e galon é sailh fonnapl, bec'het eo, 'vel a pa vehe get ullabour start bennak. Petra 'wall doc'htafi. ?

Tuchant c'hoazh en deus hiriset - ne oui ket perak - é klevet kreisnoz é son.

Burlutin a ra e zaoulagad sur a-walc'h, rak henvel eo getafi. bout bet gwelet ha klevet an traoù-mafi. c'hoazh. Setu bremafi. e kav getafi. anavout lod ag an dud daoulinet diraktafi.. Dizatin a ra e spered ha netra ken. Penaos e vehe dezhafi. anavout an dud-mafi. ? Ha neoazh, ar vaouez a zo aze ... Burlutaj ! Kement a dud en deus gwelet a-c'houde pevar blez L ..

Achu eo an overenn. Kaer eo bet an traoù. Eürus eo an holl.

A-nebeudigoù, goude ur gwel d'ar Mabig J ezuz astennet àr e zornad plouz touzet rez, ar bobl er maez. Emafi. tud ar maner é vonet ivez : diskenn a reont pazennoù ar e ya vered àr 0 goar. En un taol aet ar mevel hag a zo kamm-mat (ur paour-kaezh mac'hagnet d'ar brezel sur a-walc'h) ha manket ur bazenn ha en é rudellat d'an dias, àr an hent pras. Sur n'en deus ket bet vad, dassonet 'vel m'en deus e benn doc'h ar mein. Eman aze àr ar rampoù, an dud en-dro dezhafi..

Just 'vel ma vezer bec'h doc'h er sevel, emafi Bejeb hag he merc'hig é tonet er-maez ag an iliz.

Goulenn a ra an dudjentil glac'haret un ti da reifi repu d'o mevel, e-pad ma vezer àr e­dro; Bejeb a ginnig he hini.

Kaset eo ar c'haezh den d'eno. Alumet eo ar gouloù. Gwenn-kann eo ar mevel, ne ra alemant ebet. Gwalc'het eo an tachad kignet, e vougenn hag e varv goloet a wad. Dre hir arnzer e teua neoazh buhez dezhafi en-dro. FichaI a ra e vizied. Divatet eo.

Lakaet en deus Bejeb dour àr an tan ha tuchant e roa ur grog tomm dezhafi. Evet a ra a lonkadigoù hag, a pand eo skarzhet ar werenn dezhafi, e tro e zaoulagad trema ar vaouez vat. Gwelet a rer e karahe kornz, lâret trugarez perchafis. Krenifi a ra rac'h e gorf, hag àr e dal e weler tapennoù c'hwez é c'hreunennifi.

Gellout a ra distardifi e ziweuz hag e là! dousik:

Trugarez deoc'h, Bejeb !

Santez Anna benniget ! a huch Bejeb.

Stevan ...


Div nozvezh Nedeleg... daou stok :

Distrizhet eo d'an eil an tefivalded ankenius deuet get ar c'hentafi àr sofij Stevan an Du.

Loeiz Herrieu
Dihunamb! N°258
Kerzu 1932

D'em c'henderv, an Aotrou Moignoù,Person Gwiskriv, Ma c'henseurt ha ma ferson e-pad ar kinnigan a galon ar sorbienn-man sonj dezhan a nozvezhioù euzhus uhelenn Paissy.




Deux nuits de Noël

Voilà deux jours et deux nuits que les obus et les marmites pleuvent sur Jumigny. On les entend qui viennent par­dessus la colline d'Oulches avec un bruit pareil à celui que font les chats en colère. Ils miaulent, avec une modulation différente selon la taille de chacun; ils éclatent en l'air ou en touchant le sol, sans qu'aucun endroit ne soit épargné. Certains vont se perdre dans la terre sans exploser avec un "Plaouf !", pareil à celui d'une pierre jetée dans l'eau.

En ce soir de Noël 1914, on ne chantera pas Paix sur la terre dans la petite église perchée là, au flanc de la colline de Paissy ...

C'est la guerre entre les hommes; une guerre cruelle, une guerre épouvantable; une guerre honteuse aussi : les enfants de Dieu s'étripant quand il leur est commandé de s'aimer les uns les autres.

Tous sont à-demi abrutis par l'averse de fonte. Soldats comme civils restés au pays, tous vivent dans une angoisse effrayante devant l'éventualité qui les guette d'être mis en pièces. Quelle vie !

Etienne Le Du et l'un de ses camarades logent chez deux soeurs qui sont demeurées dans le petit bourg en dépit de la guerre.

Etienne est resté ici, en arrière, alors que sa compagnie gagnait le secteur du Bois Foulon, là-bas, pour veiller sur les provisions et le matériel des camarades.

En attendant l'heure d'aller s'allonger dans la cave, sur des gerbes de froment pourries dans lesquelles les épis ont germé faute d'avoir été battus, ils sont assis tous les quatre autour de la table. La conversation roule sur la nuit de Noël, la messe de minuit, les traditions du pays de chacun.. Eclairs de soleil allumés par le souvenir sur la tristesse de la vie quotidienne ...

Voilà que, au petit clocher de l'église, le marteau frappe douze fois de suite le bronze de la cloche fêlée par la guerre.

Il est temps de gagner le pays des songes.

Ils se sont mis debout. Soudain, voilà la fenêtre arrachée de ses gonds, une lumière infernale et aveuglante. Au milieu du verre brisé, de la fumée, des meubles sans dessus dessous, tous fuient en hurlant.

L'un d'entre eux pourtant n'a pu s'échapper:

Etienne Le Du. Il est allongé sous la table; sous sa tête, sous sa jambe se forment deux flaques de sang. La déflagration l'a assommé.

Impossible de bouger. Il est éveillé et il croit pourtant rêver. Devant ses yeux passent des images du pays, des gens qu'il connaît, le visage de sa petite fille.

Soudain, il a l'impression de se retrouver dans l'église de Lanngweltaz, sa paroisse. Une petite église, vieille, mais vieille, basse, bien close. L'église est pleine de monde et, agenouillées près de l'autel de Ste Anne, il aperçoit son épouse et sa petite fille qu'il a quittées voilà cinq mois maintenant. On dirait même que la statue de Ste Anne bouge; que la sainte tend la main vers sa femme, qu'elle lui parle mais il ne peut saisir aucune des paroles dites.

Un autre bruit énorme, pareil à celui que ferait le vent en s'engouffrant dans une cheminée: un autre obus vient d'éclater ... Son esprit est maintenant rempli du son de l'orgue qui s'est mis à jouer; il entend l'assemblée toute entière entonner à l'unisson le "Pezh trouz 'zo àr an douar" ... Le chant s'enfle, s'accélère, prend le rythme du marmitage au fur et à mesure qu'il se rapproche. Le chant s'arrête; sa tête bourdonne comme si elle était fendue; soulevé de terre, il est projeté jusqu'auprès du foyer où il retombe. Encore un autre obus ...

Il laisse échapper un cri.

Puis c'est le silence. Un silence que ne brise que le tintement de clochettes qu'il entend, sans trêve, près de ses oreilles, à l'intérieur de sa tête; des petites sonnailles, par centaines.

Peu à peu, le son cristallin des cloches s'estompe aussi, comme si elles s'éloignaient, s'éloignaient... Il n'entend plus nen.

Il a maintenant l'impression de plonger dans un trou profond, profond et sombre, froid.

Un frisson le parcourt Il perd connaissance.

C'est le lendemain, à cinq heures, que des soldats le découvrent là, en arrivant. Son camarade est mort; les deux sœurs sont blessées.

On lui bande la tête et la jambe avant de le charger sur la première voiture qui passe sur le chemin en direction de l'arrière On étend le pauvre Etienne sur la paille, au fond de la charrette déjà pleine de blessés.

L'attelage grimpe la côte de Cuissy au galop, passe ensuite le Tournant de la Mort que les Allemands bombardent de jour comme de nuit depuis leurs positions sur le Chemin des Dames.

Les chaos de la charrette tirent des lamentations et des cris de douleur aux malheureux qui y ont pris place; Etienne, lui, reste silencieux: il ne sent plus sa souffrance.

Les voilà sur la route d'Oeuilly, puis sur la route de Fismes.

Ce n'est que vers midi qu'Etienne reprend connaissance. Il est allongé dans un lit, le corps brisé, la tête lourde, si lourde ! Il ne peut la soulever de l'oreiller. Près de lui se tient un soldat, avec, à la main, de quoi écrire. Sans doute lui parle-t-il car ses lèvres bougent, mais aucun son ne vient frapper l'oreille d'Etienne. Il n'entend rien de ce qui ce passe autour de lui, celà bien que les gens vont et viennent; rien sauf un bourdonnement pareil à celui d'une ruche d'abeilles qui travailleraient dans sa tête.

"Sans doute suis-je sourd" pense-t-il. Non seulement il est sourd, mais il ne se souvient plus de rien, de rien du tout.

Que lui est-il arrivé ? Il ne le sait. Où se trouve-t-il ? Il ne saurait le dire. C'est comme s'il venait de tomber d'un seul coup sur cette terre.

Il ne connaît personne; il ne comprend personne ...

A force de soins, on parvient cependant à soigner sa tête. Quant à sa jambe, ce sera plus long. Il faudra la sonder à plusieurs reprises pour en extraire les éclats de fonte, les fibres de tissu ...

Il entend à nouveau, mais d'une oreille seulement. Par contre, il restera boiteux sa vie durant.

On vient souvent l'interroger, lui parler.

Il ne comprend rien. Il a oublié les mots qui servent à l'homme à traduire ses pensées. Sa tête est vide, toute vide, comme celle d'un enfant qui vient au monde.

Pourtant, avec le temps, il finit par saisir ce qu'on lui demande et se met aussi à expliquer ce qu'il sait avec son peu de mots. Ce qu'il sait! En fait il ne sait plus rien, rien de rien ! Quand on lui demande comment il s'appelle, d'où il est, à quel régiment il appartenait... il hausse les épaules, éberlué; plus le moindre souvenir.

Quant à des papiers, on n'en avait trouvé aucun sur lui : le souffle des explosions l'avait à moitié déshabillé.

Il fallut donc lui établir un livret, non pas à son nom mais au numéro du lit qu'il occupait, le 202, en attendant le jour où peut-être, il retrouverait la mémoire.

On l'appela donc le 202, en attendant. Il resta des mois à Fismes. Comme le temps lui sembla long allongé sur son lit. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Entre son passé et aujourd'hui se dressait un haut mur, une muraille noire sans la moindre aspérité, noire comme une tombe. Son passé? Avait-il même eu un passé? Aucun souvenir. L'avenir? Comment pourrait-il l'envisager 7 Comment envisager de construire une maison quand on ne sait sur quelles assises bâtir ? ...

Peu à peu, il prit cependant l'habitude de penser à nouveau, en regardant, par la fenêtre de l'hôpital, le soleil jouer dans les branches nues des peupliers alignés là-bas, vers Fismettes, au bord de la Vesles, et qui ressemblent à des balais, parfois couleur d'argent, parfois couleur d'or, parfois rouges, selon la lumière du soleil.

Comme l'enfant au berceau, il prenait plaisir à les voir changer de couleur. Et, quand le soleil ne daignait pas paraître, il se sentait comme frustré de quelque chose qui lui aurait été dû. Alors, des nuages passaient sur son esprit et il s'en fallait de peu qu'il ne se mît à pleurer.

Une fois suffisamment remis pour pouvoir être transporté, on l'évacua par train vers l'Ouest, là-bas, en Bretagne, loin du bruit de la guerre.

Il fut hospitalisé à Nantes, et c'est là qu'il passa le reste de sa convalescence. Sans doute était-ce également là qu'il lui faudrait rester une fois tout à fait remis sur pieds. Où irait-il quand on ne savait ni d'où il venait, ni comment il s'appelait, ni même s'il avait un chez soi.

Là, il entendait les autres, ses camarades, s'entretenir de la maison, des leurs, de ceux qu'ils aimaient. Dire qu'ils les verraient bientôt. De ce côté aussi, c'était le noir absolu dans son esprit : il ne se voyait ni foyer, ni parents, ni qui que ce fût...

Et pourtant ? Pourquoi donc serait-il différent des autres ?

Quand il lui arrivait de considérer le pitoyable état qui était le sien, il sentait une sueur froide l'envelopper. La haine qu'il éprouvait à l'encontre des responsables de cette vie qu'il devait maintenant mener lui faisait grincer les dents. Des larmes jaillissaient de ses yeux et il éclatait en sanglots.

Un jour, alors que son corps était ainsi en proie à l'angoisse, il vit s'approcher de lui un jeune officier, blessé lui aussi. Il s'assit à côté d'Etienne, sur le banc, dans le jardin de l'hôpital, et chercha à apaiser la douleur du pauvre 202 par des paroles aimables.


N'ayez pas peur, lui dit l'officier.

On m'a expliqué la terrible condition qui est la vôtre, et j'ai pitié de vous. On ne vous abandonnera pas. Vous resterez ici jusqu'à ce que vous soyez à même de vous déplacer tout seul. A ce moment-là, je serai moi aussi guéri. Vous viendrez chez moi. J'ai une maison à Nantes, une femme, des enfants.

Vous aiderez à tenir la maison; vous serez payé, bien entendu. Quand vous toucherez votre pension, car vous allez être démobilisé, vous continuerez à profiter de notre hospitalité. Une fois la guerre finie, si du moins je suis encore en vie, nous retournerons tous dans mon pays, en Basse-Bretagne, un beau petit pays si paisible, où vous vous sentirez certainement à votre aise.

Etienne sentit à nouveau les larmes lui monter aux yeux, mais cette fois elles n'étaient plus aussi amères. Il avait trouvé un coeur prêt à compatir à son angoisse, un homme qui lui témoignait de l'amour.

Quelle joie!

Tout se déroula comme l'officier l'avait dit.

Etienne habitait maintenant une petite maison à l'écart, à proximité de la ville; jamais encore il n'avait eu la sensation d'être aussi heureux. Il vivait en compagnie de braves gens qui se mettaient en quatre pour s'occuper de lui; en particulier les enfants. Il est vrai que, de son côté, il faisait également tout ce qui était en son pouvoir pour leur faire plaisir.

L'officier quitta sa famille et il se retrouva seul avec la maîtresse de maison. De temps en temps, le maître revenait cependant en permission.

Et la guerre alla ainsi son chemin, presque sans que rien ne vienne la lui rappeler.

Lanngweltaz également on suivait la guerre au fur et à mesure qu'elle se déroulait. Mais que de larmes on versa en cette soirée où le recteur vint frapper à la porte de la petite chaumière de Bejeb Le Du, au bourg, tout près du cimetière.

C'était une mauvaise nouvelle que le recteur venait apporter ce jour-là, et, avant même qu'il ait ouvert la bouche, Bejeb dut s'asseoir sur une chaise. Son coeur lui disait déjà que le malheur venait de tomber sur sa maison.

Etienne Le Du était porté disparu depuis la nuit de Noël, trois mois plus tôt. Nul ne pouvait préciser ce qui lui était arrivé. On n'en avait trouvé aucune trace à Jumigny. Peut-être avait-il été tué? Peut-être blessé? Peut-être prisonnier de l'ennemi. Nul ne savait le dire.

Quel déchirement pour la pauvre femme !

Quel terrible chagrin pour Anna, sa fillette!

Mais que faire? Inutile d'attendre beaucoup de réconfort de la part des hommes : ils étaient nombreux, aussi bien au bourg qu'à la campagne, à connaître un sort comparable au sien. Chacun avait sa croix à porter, plus ou moins lourde, plus ou moins légère. Pleurer, prier. Il ne restait plus aux mères, aux épouses, aux enfants que cette alternative pour libérer leur coeur de toute la douleur qui l'étouffait.

Et, dans la maison de Bejeb Le Du, on pleurait souvent; on priait chaque jour. Chaque jour on demandait à Ste Anne le retour du cher disparu.

Qui sait? Peut-être était-il prisonnier?

La pauvre femme s'était accrochée à cette éventualité, et l'on rechercha Etienne à travers l'Allemagne entière.

En vain.

A partir de ce moment-là, Bejeb se fit à l'idée qu'elle était veuve. Elle cessa même de demander à Ste Anne le retour de son mari. Elle priait maintenant pour le repos de son âme, car il ne faisait plus de doute pour elle qu'il était mort.

Annaig, pourtant, soutenue par sa foi juvénile faite de totale confiance, ne pouvait croire que son père était mort.

Ma mère, disait-elle souvent, je ne crois pas que mon père soit mort. Sainte Anne a sûrement veillé sur lui tant nous l'avons priée pour lui, toutes les deux. Un jour, il reviendra, vous verrez ...

Un jour! Voici que se sont écoulées deux années, trois années, quatre années de guerre et ce jour n'est toujours pas arrivé.

L'armistice, la fin de la tuerie, n'apporte aucune nouvelle; pas plus que n'en procure la démobilisation et le retour des soldats. Les prisonniers rentrent à leur tour, mais Etienne n'est pas parmi eux ... Cette fois c'est bien certain : inutile de continuer à attendre. Les nuages du désespoir continuent pourtant de venir assombrir encore, de temps en temps, le coeur d'Annaig. Le recteur, lui aussi, continue à l'encoura,ger à prier:

- Qui sait? dit-il. On lit tous les jours des choses si extraodinaires dans les journaux; des histoires de gens qui reviennent alors qu'on ne les attendait plus ! Le pouvoir de Sainte Anne est grand et la bonté de Dieu, elle, est plus grande encore ».

Hélas! Un an s'est écoulé depuis la fin de la guerre, et personne n'est revenu.


Nous voici à la veille de Noël. Le recteur s'est mis en tête de célébrer l'office de minuit: une première depuis Noël 1913. En dépit des deuils qui les ont frappés, les paroissiens en sont tout joyeux. On a appris aux enfants à chanter les vieux noëls.

On a même acheté de nouveaux animaux pour la crèche, sans oublier un enfant Jésus, une Vierge, un St Joseph, des anges agenouillés et d'autres qui semblent voler, fixés par des gommettes, une étoile d'argent toute brillante et plein d'autres choses encore que les maîtres du manoir du Gozh-Lez ont fait apporter au recteur.

Le maître des lieux a fait la guerre de bout en bout en n'étant blessé qu'une seule fois; aussi, pour remercier le Seigneur de sa protection, il a tenu à faire un don à l'église de sa paroisse.

Il assistera à l'office de minuit avec toute sa maisonnée. Ils sont arrivés de ce matin au manoir qui était resté vide depuis le début de la guerre.

Les deux cloches de la paroisse sonnent à la volée. De tous les chemins qui conduisent au bourg débouchent des groupes qui s'avancent vers l'église qu'on aperçoit là-bas, toute pleine de lumière, au­dessus des croix du cimetière.

Voilà les gens du manoir : le maître, la maîtresse, deux enfants, un valet, une servante. Ils s'en vont prendre place dans le banc du manoir, là-bas, dans le transept, face à l'autel de Ste Anne.
Du clocher tombent, distinctement martelés, les douze coups de minuit.

Le prêtre monte à l'autel. L'église est pleine à craquer.

Les enfants entonnent le premier cantique aussitôt relayés par les adultes :

Pe trouz 'zo àr an douar Pe kan a glevan-me ...

Au début, les voix manquent un peu de sûreté, mais elles s'enhardissent bientôt, prennent de l'ampleur. Oh ! inutile de chercher ici le chant que l'on goûte dans les belles églises. Pas de voix caressantes et qui s'enflent et qui décroissent, portées par le son puissant de l'orgue. Ici, on chante à pleine voix et de tout son coeur; comme chantaient les bergers à la grotte de BetWéem.

Quoi qu'il en soit, tout cela est bien au goût de l'assistance. Voilà si longtemps que l'on n'a pas chanté les beaux cantiques de Basse-Bretagne dans cette église !

Monsieur du Gozh-Lez lui-même ne peut dissimuler son plaisir. En dépit qu'il en ait, les larmes lui montent aux yeux et il ne peut s'empêcher de revoir le passé, sa vie.

Il revoit sa jeunesse joyeuse au manoir de ses parents, au milieu des enfants des fermiers, le jour de son mariage, la guerre ... La guerre ... Oh ! la guerre! Le voilà donc condamné à toujours voir les images de cette vie hideuse venir lui gâter ses plus beaux songes ...

Le valet du manoir, lui, est comme abasourdi. Tout ceci est nouveau pour lui. Il n'est pas d'ici. Ces cantiques qu'il entend pour la première fois; ses paroles dont il ne comprend pas le sens; ces gens qui lui sont tous étrangers ... Et il se dit : «Comment donc pouvait être la messe de minuit dans mon pays à moi ?» Mais il lui est impossible de répondre à sa propre interrogation ... Son coeur bat de plus en plus vite, comme oppressé, comme s'il faisait un effort physique. Que lui arrive-t-il donc?

Tout à l'heure encor~ un frisson lui a parcouru le corps - sans qu'il sache pourquoi - alors que minuit sonnait.

Et voilà que ses yeux lui jouent maintenant des tours : il lui semble maintenant avoir déjà entendu et vu tout cela. Simple illusion de l'esprit égaré: comment pourait-il connaître ces gens?

Et pourtant, il y a là une femme ... Mais non! Illusion! Il a vu tant de monde depuis quatre ans !...

L'office est terminé. La célébration a été très belle. Tout le monde est heureux.

Peu à peu, après avoir rendu une visite au petit Jésus couché sur sa poignée de paille soigneusement taillée, l'assistance quitte l'église. Voilà également les gens du manoir : ils descendent lentement les marches du cimetière. Soudain, le valet, qui boite très bas (sans aucun doute encore un de ces pauvres estropiés de la guerre) manque une marche et roule jusqu'en bas, jusque sur la route. Sa tête a cogné fortement sur les cailloux au point d'en résonner; il s'est certainement fait mal. Il est maintenant étendu par terre, entouré par tout un groupe de personnes.

Juste au moment où on le relève, Bejeb et sa fille sortent à leur tour de l'église.

Les maîtres du manoir, peinés par ce qui vient de se passer, demandent pour leur valet l'hospitalité dans une maison, le temps de lui prodiguer quelques soins. Bejeb propose qu'on le fasse entrer chez elle.

On y transporte donc le malheureux. On allume la lumière. L'homme est tout pâle, sans réaction. On lave l'écorchure ainsi que sa joue et sa barbe tachées de sang. Au bout d'un long moment cependant la vie semble renaître en lui. Il remue les doigts. Il revient à lui.

Bejeb a mis de l'eau à chauffer sur le feu et lui tend bientôt un grog brûlant. Il boit à petites gorgées, et une fois le verre vidé, il tourne les yeux vers la brave femme. On devine qu'il voudrait dire quelque chose; sans doute la remercier. Il tremble de tout son corps; des gouttes de sueur perlent à son front.

Il parvient enfin à desserrer les lèvres et dit d'une voix douce:

Je vous remercie, Bejeb !

Sainte Anne bénie ! s'écrie Bejeb.

Etienne ...


Deux nuits de Noël... deux chocs : le second a fait voler en éclats l'angoissant rideau noir que le premier avait jeté sur la mémoire d'Etienne Le Du.

Loeiz Herrieu
Dihunamb! N° 258 Décembre 1932 ( AN DASSON)

A mon cousin, M. Le Moigno, Person Gwiskriv, curé de Guiscriff, mon camarade et mon recteur durant la guerre, de tout mon coeur je dédie ce conte qui lui rappellera les nuits terribles du plateau de Payssi.

Republié par la revue An Dasson 2003 numéro 53
REVUE ASSOCIATIVE CULTURELLE BILINGUE PAYS D'AURAY
Activités du cercle Sten Kidna